Les personnages principaux :
 
Augustin, âgé de 70 ans, ancien régisseur du château, sollicité par Monsieur Émile Fougeron pour organiser, avec une certaine autorité, la prise en charge des blessés par les services de santé de l’armée prussienne. Un ours au cœur tendre. Il est marié à Émilienne, âgée de 68 ans, qui travaille au château.
Monsieur Émile FOUGERON et son épouse Marie-Amélie, les propriétaires et maîtres du château de Villeprévost. La famille FOUGERON est propriétaire de ce château depuis la fin des années 1700. Les FOUGERON est une famille importante dans la région avec des pouvoirs au niveau de la France.
Louise, âgée de 20 ans, enfant adoptive de Ferdinand âgé de 40 ans et d’Ernestine âgée de 37 ans.
 
Thème :
 
Le livre relate la vie au château avant la bataille vue par Augustin, assis sur son tronc d’arbre. On sent les prémices du feu. Puis arrive la réquisition du château, les prussiens. Augustin prend en charge l’organisation des secours pendant la bataille. Ensuite, la vie continue jusqu’au décès d’Augustin avec des événements évoquant des personnages historiques connus : le Général de Sonis, les Zouaves Pontificaux, Monseigneur Dupanloup évêque d’Orléans, Monseigneur Harscouët évêque de Chartres, les maîtres constructeurs de la chapelle.
 
Préface :
 
La Préface par Hervé Fougeron propriétaire du château de Villeprévost :
 
Cher Maître,
C’est avec grand plaisir que je vous fais part de ma réaction tout à fait admirative devant le manuscrit que vous m’avez si obligeamment adressé.
L’Histoire, dont vous décrivez un épisode avec une précision d’une impressionnante richesse, a écrit en effet en ces lieux l’une des pages les plus sanglantes et les plus héroïques du XIXème siècle finissant. La cérémonie annuelle de commémoration, émouvante par sa fidélité autant que par sa simplicité, habituellement tenue dans les conditions météorologiques assez exécrables que le vent de la plaine en décembre a coutume d’accentuer, nous permet d’imaginer les efforts et la souffrance endurés par les combattants des deux fronts.
Villeprévost, où vous situez votre nouvelle, ne se trouve à vol d’oiseau qu’à deux kilomètres du champ de bataille. Il s’agit d’une gentilhommière, agrandie et modifiée au siècle précédent, lieu de villégiature estivale d’une famille originaire de Tillay, que la charge de Conseiller du Roi au Châtelet d’Orléans au XVIIIème siècle retenait la plus grande partie de l’année dans cette ville. Les événements que vous relatez l’avaient transformée durant quelques semaines en hôpital de campagne de l’Armée bavaroise.
Il se trouve que le propriétaire de l’époque était mon arrière-arrière grand-oncle Émile Fougeron, marié mais mort sans postérité. Ce dernier était effectivement très bon et généreux pour tous ceux qui avaient une raison de le côtoyer ; on rapporte même que les employés des Chemins de Fer d’Orléans et d’Orgères en Beauce l’appréciaient particulièrement pour la largesse avec laquelle il distribuait ses cigares lorsqu’ils attelaient son wagon personnel... Ce qui est certain, c’est qu’il a laissé le souvenir d’un homme de devoir dont la fortune n’avait pas altéré l’abord avenant et ouvert. Son épouse, Marie-Amélie, était d’une santé fragile et ne partageait pas de ce fait l’intrépidité que vous attribuez à son mari dans votre récit.
La vie menée par mes aïeux dans cette maison que j’habite aujourd’hui avec bonheur était, en dehors de la période ténébreuse que vous évoquez, et à en croire les récits et souvenirs familiaux, emplie de la paisible agitation d’une grande maison vivant en quasi-autarcie. Après la fin de la guerre de 70 et la construction de la chapelle érigée en action de grâce, elle était rythmée, durant ma jeunesse, par la cloche appelant le hameau à la prière du soir. L’aisance financière de mes aïeux leur permettait de recevoir avec facilité et leur foi profonde les rendait proches du clergé dont les représentants prenaient souvent place à leur table, d’où les fréquents séjours des évêques d’Orléans ou de Chartres à Villeprévost.
La piété ambiante de l’époque et le respect réciproque entre personnes de conditions sociales différentes qui imprégnait manifestement alors les rapports humains dans cette petite communauté de Villeprévost, contribuaient certainement comme vous le décrivez, à maintenir une relation paisible et confiante entre ses habitants.
C’est pourquoi, si le récit n’apparaît, dans la nouvelle ou le roman, qu’au prix de quelques entorses à la réalité de certains faits, la vérité de l’environnement social et historique de votre récit me semble parfaitement restituée.
C’est donc à la fois avec gratitude et amusement que j’ai pris grand plaisir à cette lecture, en témoin captivé par le romanesque d’un récit en un lieu et en un temps qui me sont familiers.
 
Villeprévost,
 
25 février 2012


Extrait :
 
Après un silence, Émilienne reprend ses informations :
– Des Allemands sont sur le bout du petit vallon, près du petit bois de Tillay. Ils observent le château de Villeprévost. Ils n’ont pas l’air très inquiet puisqu’ils font cela à découvert, presque sans crainte. C’est comme s’ils considéraient que la plaine leur appartient. Monsieur Émile a vu une colonne à pied descendant vers le château, entourée par des cavaliers. Ce sont des lanciers. L’avance se fait lentement mais sûrement. Les chevaux avancent au pas des fantassins. Monsieur Émile est inquiet et a fait prévenir tout son monde, gardant les hommes à ses côtés et cachant les femmes et les enfants qui se trouvent actuellement sur les lieux.
Depuis le matin, les mouvements de troupe, d’un côté comme de l’autre, vont et viennent, les uns au nord, nord-est, les autres au sud, sud-ouest. Les hommes se toisent à distance, bombent le torse et en rajoutent pour faire entrevoir leur force. Tel un ring, la plaine se prépare à l’assaut. Il n’y a pas d’arbitre. Seules les bouches à feu les départageront. Seules les baïonnettes feront la différence. Les victimes seront une fois de plus les mêmes : les soldats, les femmes, les enfants, les hommes. Quelle invention que la guerre !
Émilienne s’est enfermée à double tour dans notre modeste logis, la peur au ventre. Je lui ai conseillé de se barricader à double tour, bien que notre serrure n’en possède qu’un. Puis, je suis allé rejoindre Monsieur Émile, pas rassuré non plus. Je suppose qu’il va avoir besoin d’aide. Une dizaine d’homme l’entoure quand j’arrive. J’en aperçois d’autres qui viennent tranquillement. Évidemment, Fernand n’est pas là. C’est le contraire qui aurait surpris. Soudain, quatre chevaux arrivent au galop et s’arrêtent dans la cour, devant l’entrée principale où se trouvent les villageois qui n’ont pas eu le temps de regagner leurs pénates. Dans un mauvais français, le plus gradé s’adresse au maître des lieux sur un ton qui n’admet pas la réplique :
– Monsieur, je réquisitionne votre château. N’opposez aucune résistance, il ne vous sera fait aucun mal si vous exécutez correctement nos ordres. Nous voulons installer ici une antenne de santé pour les blessés, un hôpital de campagne si vous voulez.
– Qu’avons-nous comme autre choix ? interroge Monsieur Fougeron.
– Aucun. Faites-moi visiter la gentilhommière. C’est un ordre.

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Les Prussiens se sont, côté nord, déployés de La Maladrerie à Lumeau en passant par Fougeu, Beauvilliers, Goury. Côté sud, les Français font front sur Nonneville, Villepion, Villours, Faverolles, Terre Rouge. Au milieu de ces deux lignes : Loigny est prise en étau. La bataille dans Loigny se fait pour une rue, un passage, une impasse, un quartier, une maison, une cave, pour rien. On se bat, c’est tout. Il faut avancer, ne pas reculer, mourir s’il le faut.
Cela fait quand même en une seule journée environ 15000 victimes soit environ 100 par kilomètre carré. … Quand même... une victime par cent mètres carrés !
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