Françoise Pelherbe chanteuse inclassable, se fraye un chemin dans vos gays tympans. Histoire de chanter sa mot-sique, tous les coups sont permis, et les assortiments. Emballés en sons, les mots en écharpe nous réchauffent. Ils rapportent l’inédit d’un autre là. Chuchotent, chatouillent, cachottent des si des fa, des facéties d’audace vociférée. On y perd son latin et son sens de l’orient-à-son ; c’est assez pour jouer à l’orchestre. Elle s’agite : Remue des déménagements de ses certitudes, vibre à l’appel du large, tremble avec la terre, s’évapore avec les océans, se trémousse sur des rythmes exotiques, empreinte des pas à d’autres folklores. Se balade avec ses souvenirs. Danse avec des airs de n’avoir pas l’air d’être d’ici.
 
 
Je raconte : conter, c’est créer du contact .Ce qui me touche je sue à son contact une humeur au parfum d’outre-mer dont il faut me laver en en tartinant des histoires à vos oreilles ; En auteur je sème, en auditeurs vous récoltez et vous en prenez de la graine. J’ai fait moisson d’airs. J’y ai soufflé des paroles, comme dans du verre des bulles ; remis sur pied, parés pour la scène : voyage de là-bas à là ; C’est celui qui dit qui y était ; chanter est alors une opération tactile. Je vous touche. Aux coins du monde j’ai vu : Les images fuient, inachevées, je les rattrape si on ne me coupe pas la parole, je les rapporte filtrées par mon regard, mon petit tamis.
 
 
Mes chansons se situent là où éclatent au sol les gouttes, dans ce petit claquement sec et mat qu’on pourrait prendre pour le craquement d’une brindille embrasée dans l’âtre. Là où les gouttes éteignent les feux de brousse, au croisement vertical du feu et de l’eau. Chanter : pleuvoir-parler à la pluie, négocier avec les tempêtes. Criécrire : c’est la langue qui baise le tympan et éteint de sa salive la brûlure.
 
 
 
REMONTER LE COURANT DE LA MER A LA SCÈNE
 
 
On prend parole comme on prend la route, on choisit de s’arrêter au silence : on s’est déplacé, on a charrié les auditeurs. Parler, Écrire, c’est emmener avec soi, acte citoyen, politique : éduquer à la poésie, inscrire l’histoire plus avant, la réécrire, informer, recomposer, ressusciter ce qui est composé, dans le présent lutter contre la décomposition. Dresser l’oreille à s’y retrouver dans la jungle de mots. Écouter ce qu’on ne peut voir. Entendre comme on aperçoit, n’être pas certains d’avoir bien entendu, mais comprendre. Croire qu’on a plus à entendre que ce qui est dit. Partition des deux neiges : n’ai je pas tout entendu ? N’ai je pas néanmoins saisi, été saisi ?
Je chante comme je nage, dans toutes les eaux, pour résister à une matière plus dense que l’air du temps que je chante, opposer mon mouvement à la tentation de sombrer. Mes histoires sont des RES-HISTOIRES. Je les veux fleuves, sans fin autre que de s’écouler de mon imagination source à l’oreille. Parole liquide jamais limitée par un cadre ni un format, mais seulement par des bords qui reculent et la guident sans la contraindre à tenir sa langue ni à suivre le courant. La langue s’écoute et se régénère, l’histoire se construit sur ce tapis volé de syllabes qui est sa propre matrice.

Je suis un perroquet: oracle aux ailes coupées, sur sa branche d’acajou récite dans la langue des hommes les dialogues d’une comédie inavouable, des vers rongés par les maux, des mots rongés par les verbes. Dire seulement que je voudrais voler. J’ai déjà volé leur langue. Le sang bat aux tempes, et le tempo en porte le sens.
 
 
Françoise Pelherbe naît vieille le 10 juin 1975 à Dinan. Nait vague le 28 février 1988 à Nouméa. Meurt mais flûtiste, à Nantes le 10 août 1990. Naît comédienne à Paris le 31 octobre 1998, y meurt enfant le 21 décembre 2005. Depuis 1998 apprend et joue à parler, à mouvoir, à chanter. Se dissout dans des créations collectives. Corps d’orchestres sans tête, cirques et théâtres de bonne compagnie. Se prend tour à tour pour un baobab, une actrice, un éléphant, une inconnue, une flûtiste, une muse, une héssonite, une éclairagiste, un camion, un caméléon, un membre de, une citoyenne, un chef de meute, une soliste, un compositeur. Disparaît à Ventiane muette et dans une flaque de sang le 15 mars 2006. Refait surface comme il se doit au printemps, parée, polie et pierre pour l’exercice du jeu; lancée sous les projecteurs, sombre, flotte, s’évapore, pleut, s’animalise enfin le 10 juin 2009 à Leh. Naît depuis à l’endroit, délaisse les mers, et ses endroits s’étirent aux limites des cimes. Depuis, comprend enfin ce qu’elle écrit depuis l’âge de quatre ans, et c’est un exploit de le chanter : être sur scène, on ne sait jamais s’il s’agit de mourir ou de naître.
 
 
Sur papier : Animal ni Femelle, éditions Raphaël de Surtis
Sur scène : Chanson Cosmophore, Réshistoires, solo nomade.
                  
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