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A l'occasion de la sortie du roman « Le Dernier Soldat », découvrez l'entretien avec Roger Faindt.   

Écrivain passionné, scénariste, prêteur de plume, auteur de science-fiction et de nouvelles pour la jeunesse ainsi que de petites mélodies pour guitare classique, Roger Faindt est touché par l'universalité des sentiments humains qu'il explore dans ses romans. Il a reçu le prix Louis Pergaud 2001 pour La Lettre de Charlotte.  

Pouvez-vous nous parler de votre livre, quel est le thème central ? 


Un réquisitoire contre la guerre.
La fin de la Grande Guerre, en Argonne, vécue par Henry Gunther, un Américain d'origine allemande. Il est officiellement reconnu comme le dernier soldat américain tué au cours de ce conflit, une minute avant la fin des hostilités.
Devant l'offensive engagée depuis le 26 septembre 1918 par les troupes franco-américaines, les unités allemandes cèdent peu à peu du terrain devant Verdun. Après quatre ans de guerre, celles-ci sont composées de redoutables combattants. Début novembre 1918, le Landwehr Infanterie Regiment 31 (Ldw IR 31) est chargé de protéger le retrait des troupes. L'unité a progressivement reculé devant les coups de boutoirs des Américains. Ces unités doivent tenir la butte de Chaumont devant Damvillers « Wettinhöhe » pour ensuite se retrancher sur les hauteurs enveloppant le village de Romagne sous les côtes. Cette ligne de tranchées appelée Krimhilde Stellung doit être tenue jusqu'au dernier homme. En effet, après les côtes, le terrain est plat et sera difficilement défendable jusqu'aux portes du Reich. 

Qu'est-ce qui vous a donné envie de faire ce livre ?  

L'histoire singulière d'Henry Gunther a été découverte par Pierre Lenhard, ancien maire de Romagne sous les côtes.
Ce jeune américain d'origine allemande et alsacienne, s'est présenté à moi par l'intermédiaire d'Olivier Legrand, producteur, via mon éditeur. J'ai tout d'abord écrit un long métrage intitulé « 10h59 », puis le livre scénarisé, avant de développer une œuvre plus romanesque pour les Éditions De Borée. 

Avec le personnage d'Henry Gunther, une fois de plus l'Allemagne me poursuivait. Elle avait traversé l'Atlantique pour dériver jusqu'en France, érodant non seulement la terre meusienne des ses obus, mais le cœur de ces émigrés qui revenaient la combattre, déguisés de l'uniforme du double exil. Celui du soldat d'une nationalité différente de celle de ses origines et contraint de les combattre. 

Raconter l'histoire d'Henry Gunther, petit-fils d'une Alsacienne et d'un Allemand ayant émigré aux Etats-Unis dans le dernier quart du 19ème siècle pour fuir la misère engendrée par la guerre de 1870, m'a aussitôt passionné.
Il m'intéressait de parler du double exil de cet homme et des conflits incommensurables qu'il allait devoir affronter pour assumer une nationalité non choisie tout en respectant ses origines que, consciemment ou inconsciemment, il rêvait de retrouver. 

De dénoncer la xénophobie à l'égard de la communauté allemande (environ dix millions de personnes) qui représente 10% de la population des États-Unis et pour laquelle l'Allemagne demeure le Vaterland. Une communauté dont ses membres portent des noms allemands, parlent et comprennent l'allemand, lisent des journaux progermaniques (le Deutscher correspondent), ont des parents et des amis en Allemagne.
De développer le conflit interne qui ronge Henry Gunther. Il est soldat américain et doit se battre aux côtés des Alliés pour tuer des Allemands.
D'évoquer la défiance des officiers à l'égard d'Henry, la méfiance de ses camarades. Henry est d'origine allemande, il parle allemand et sympathise avec des prisonniers. Il ne sera pas le seul de sa communauté, puisque les autorités américaines interdiront très vite les contacts entre leurs troupes et les prisonniers de guerre allemands. 

En opposition au Grand Mal, il m'intéressait de parler d'amour, d'humanité, des femmes. Du rôle important des infirmières que les soldats appelaient « les anges blancs ». Des femmes incarnant le dévouement et l'attention maternelle pour beaucoup, mais aussi des femmes belles, attirantes, source d'émotions et d'aspirations impossibles. Parler des bordels prophylactiques installés par l'armée pour accueillir les prostituées.   

Écrire un roman sur la Grande Guerre, c'est évoquer l'assassinat de Jaurès, la polémique autour de l'écrivain Charles Péguy..  

Comment vous vient l'inspiration ?  

Elle vient ou elle ne vient pas, cela dépend des jours et comment je me sens mentalement et physiquement. Il me faut être au calme pour écrire. J'ai souvent besoin de marcher, de penser à mon histoire avant de commencer, de vivre des instants de solitude.
Quel que soit le livre à écrire, je me documente beaucoup et lis de nombreux ouvrages sur le sujet. S'imprégner des us et coutumes d'une époque, de la situation politique, économique et sociologique est indispensable. 
« Un livre doit pousser comme un arbre », disait Marguerite Yourcenar. J'agis de même au fil de mon inspiration, je me laisse guider par mes personnages, par leurs sentiments, et cela m'entraîne parfois sur des sentes en friche, mais souvent créatives et source de passages émotionnellement forts. 

Que voulez-vous dire à vos lecteurs et peut être futurs lecteurs ?  

Mes lecteurs me suivent d'un livre à l'autre, et je les invite à lire « Le Dernier Soldat ». Ils voyageront de nouveau avec mon écriture, avec sa touche de poésie, sa force d'émotions, et découvriront aussi des aspects historiques peu connus de la Grande Guerre et rarement développés dans des œuvres romanesques. Pour ceux qui ne m'ont encore jamais lu, je les invite à partager mon univers.  

Avez-vous toujours eu envie d'être écrivain ? Qu'est-ce qui vous a amené à devenir écrivain ? 

J'écris depuis dix-huit ans, mais je vis de ma plume depuis sept années. En 2007, j'ai quitté mon activité salariée, démissionné pour me lancer dans l'aventure de l'écriture. Après une formation de scénariste en Avignon, une résidence d'écrivain en Alsace du Nord, ce fut l'envolée vers de nouveaux horizons. Je voulais faire ce métier, car c'est un métier, mais j'ai attendu que mes trois enfants aient terminé leurs études pour donner vie à ce projet.
Quand j'étais enfant, je rêvais éveillé ou perché dans les arbres du verger de ma grand-mère paternel. Au lit, et maman nous couchait tôt, j'imaginais des aventures dans lesquelles j'étais mêlé, et bien souvent je m'endormais avant de les avoir terminées. À l'époque, je lisais des livres d'adolescents, des revues sur la vie des animaux, Spirou, Pilote. Les lectures plus sérieuses sont venues beaucoup plus tard.  

Quels sont vos rituels d'écriture ?


J'écris tous les jours. Avant de devenir professionnel, j'écrivais la nuit ou le matin de bonne heure, avant de partir au travail. J'écris à la main, au stylo plume, sur de grands cahiers à petits carreaux, avant de mettre en forme le tapuscrit sur mon ordinateur. Après un premier tirage sur une imprimante laser, les différentes phases de réécriture et de corrections s'engagent.