J’invente le corps de femme de Triaise, sa tête légèrement penchée sur le côté, sa nuque gracile, son corps qui aurait pu être celui d’une amante.
Elle voudrait tendre vers l’impossible, quitter la peau de ce corps qui l’entraîne loin de Dieu, croit-elle. Malgré ses habits d’homme. Vainement. Elle ignore où elle va, ainsi.
Hilaire venait lui rendre visite régulièrement, pour l’entretenir des choses de la religion. Il paraît qu’ils se parlaient à travers une fissure de la porte.  Mais je n’y crois pas trop. Je suis sûr qu’Hilaire et elle, toujours transie d’amour, se tenaient face à face. Hilaire aimait trop les jeunes filles pour les soustraire à son regard, définitivement.
Lorsqu’un rare visiteur arrive pour la fortifier de spiritualité, un autre homme d’église, Triaise se tient toujours derrière la porte fermée, mais je devine ses yeux se troubler.
De famille riche et noble, elle avait entendu parler de cet homme de Dieu qui parlait d’or, exilé pour des raisons de théologie dans le pays de sa naissance. Venue à sa rencontre, elle est devenue très vite soumise à sa parole, à sa volonté, et a fini par le suivre au-delà des mers, avec sa troupe, car il y avait beaucoup d’hommes de foi venus l’accompagner dans son exil. Oui, Hilaire parlait d’or, et Triaise était dans le ravissement lorsqu’elle l’écoutait. En émoi.
Tout ce qui sort de sa bouche, elle le croit. Elle est prête à tout, pour lui.
 


Triaise, Éditions MLD, 2010