Une reine est répudiée pour avoir eu des relations sexuelles avec son frère : connue "à la manière des hommes", entre les cuisse, elle n'en aurait pas moins conçu et aurait pris une potion aborative... Dès le IXe siècle, le di-vorce de Lothaire et de la reine Teutberge pose les principaux problèmes qui hanteront le moyen âge. Inceste, contraception élémentaire par posi-tions interdites, avortement criminel, impuissance du mari par maléfice... L'Église se montre particulièrement sévère pour tout ce qui souille un savrement (le mariage) et enlève une âme à la vie éternelle.

Pourtant, on est étonné de l'extraordinaire richesse des recettes qui nous ont été conservées. Par centaines, les plantes (censées) contraceptives remplissent les traités de médecine écrits cependant par des clercs, hauts dignitaires parfois de l'Eglise. Le traité le mieux documenté et le plus expli-cite est l'oeuvre d'un médecin pontifical, Pierre d'Espagne, qui deviendra pape lui-même sous le nom de Jean XXI. L'avortement ? Il est interdit, bien sûr, mais si mollement. Juridictions civiles et ecclésiastiques sont enclines à la clémence, souvent même curieusement désarmées devant le phénomène. Le roi ne se fait pas trop prier pour accorder des lettres de rémission...

Quant à la stérilité, si elle n'est guère mieux soignée au moyen âge que dans l'antiquité ou à l'époque classique, la malédiction qu'elle entraî-nait dans la société hébraïque a été levée, la répudiation possible dans les sociétés germaniques disparaît, la méconnaissance de la stérilité masculine par la médecine romaine fait place à un plus juste partage des responsabi-lités... La femme stérile n'est jamais seule face à l'adversité.

 A travers la littérature, les traités médicaux, les coutumes juridiques, les sommes ecclésiastiques, une autre image du travail sur la naissance se profile à une époque que l'on croit trop soumise à la dictature religieuse. Une autre image de la femme, aussi, à qui l'on reconnaît, pour la première et dernière fois dans l'histoire de la sexualité, le droit au plaisir. Et peut-être une autre image du bonheur...


La Naissance interdite, Histoire de la stérilité, de la contraception et de l'avortement au moyen âge, Editions Olivier Orban, 1988.