Si grande était la "pudicité" de l'empereur Maximilien qu'il se retirait seul sur sa chaise percée, "sans se servir de valets de chambre, ni de pages." Si grande celle d'Isabelle de Castille, qu'elle mourut d'un ulcère qu'elle n'avait pas voulu montrer : il fallut même lui administrer l'extrême-onction sous les draps, puisqu'elle ne voulait pas laisser voir ses pieds. Et que dire d'Anne d'Autriche, qui fit détruire plus de cent mille francs de tableaux "indécents"; de Louis XIII, qui barbouillait les fresques de sa chambre; de Mazarin, qui mutilait les statues ?


À l'opposé, que dire de la baronne de Montreuil-Bellay, qui demandait à un de ses vassaux, quand elle se rendait chez lui, de la porter sur ses épaules là où lui-même allait à pied et de lui tendre, le moment venu, la mousse qui tenait lieu de papier ? Que dire d'un roi qui recevait ses courtisans sur sa chaise d'affaire, et qui demandait qu'au théâtre les sauvages fussent "habillés comme s'ils étoient presque nuds" ?


Ces exemples nous invitent à étudier la pudeur dans une perspective qui n'a pas encore été exploitée : sa dimension historique. Elle permettra de fournir d'autres réponses aux éternelles questions : quels sont les rapports entre pudeur corporelle et pudeur des sentiments ? Y a-t-il une pudeur féminine et une pudeur masculine ? Pourquoi rougit-on de sa nudité ? Et d'abord, qu'est-ce que la pudeur ?

Histoire de la pudeur, Olivier Orban, 1986; Plon Perrin, 1999; Hachette (coll. Pluriel), 1997