"Tu es la faute des femmes. Tu as tâché de retenir le Seigneur en l'enfermant dans un linge blanc, dans un drap d'amour image déjà de son linceul. Et tu es restée image, immobile et figée tandis qu'il continuait sa route." Véronique se plaint d'être la femme toujours abandonnée, comme la sainte qui emprisonna le visage du Christ au lieu de le suivre jusqu'au bout de son Calvaire. Mais est-ce sa faute si, devant un amour reçu comme une gifle quand elle pensait avoir atteint l'âge de l'apaisement, elle a eu le vieux réflexe de la femme soumise ? Christophe, si jeune, si beau, incarne ce bon-heur immaculé auquel elle avait renoncé de rêver. Pour le garder chaque jour jusqu'au lendemain, elle abdique. Vivre pour l'autre, par l'autre, jusqu'à s'anéantir : voilà la faute des femmes, résumée dans cette Véro-nique de la légende biblique qui n'est plus une femme, mais un cadre à la Sainte Face qu'elle a dérobée.

Pour comprendre, pour survivre à la rupture devenue inévitable, Vé-ronique interroge les femmes qui ont jalonné sa vie; celles qui, comme elle, se sont perdues dans un amour trop absolu. Edith (Piaf), triomphe de la femme, qui connut avec Théo un amour complémentaire à celui de Véro-nique pour Christophe. Julia (Daudet), à la fois plénitude et regret de la femme, qui réussit à équilibrer son amour, mais au prix de ses propres ambitions littéraires. Maria-Ana (Alcoforado), sacrifice de la femme, payant toute sa vie le bonheur d'avoir été un jour la "religieuse portugaise". Et jusqu'à cette mystique fla-mande qui sut du sacrifice suprême tirer le su-prême triomphe : vivant au quotidien la présence du Christ, L*** ne pouvait que s'effacer jusqu'à l'anéantissement glorieux au contact permanent de l'infini. Cellule monacale, cécité, jeûne prolongé plusieurs années, voeu de silence, refus de toute pensée, perte de l'identité et du nom... Arrivée au fond d'elle-même, au bord de ce néant qui la terrifie et la fascine, Véronique doit faire un choix. En aura-t-elle la force ?

La Faute des Femmes , roman - 1989, Éditions des Eperonniers, Prix Rossel 1989