Je suis âgé et mène une vie tranquille qui me permet de profiter du temps qui passe. Mon esprit erre et mes pensées se promènent vers des contrées inaccessibles, qui m'emmènent loin et j'en reviens toujours. Je somnole avec des fées, le génie de l'eau et le génie de l'air. Eveillé, tout s'anime comme dans mes rêves m'invitant au partage.

L’Ondine et la Sylphide
Jean-Louis RIGUET
(extrait)

Aujourd’hui, je suis un vieux monsieur, retraité depuis plusieurs années, menant une vie tranquille, sans histoire sauf dans ma tête. J’aime à rester assis dans un fauteuil hors d’âge, usé par le temps et par mes fesses, devant la grande baie vitrée de mon salon, à contempler mon petit bassin rempli d’eau dans laquelle s’ébrouent quelques carpes Koï. Les choses de la vie, comme l’on dit, ne sont qu’un lointain souvenir. De temps à autre, en été, quand il fait beau et chaud, la fenêtre ouverte sous le store multicolore permet de voir voleter des papillons dont les larves ont séjourné là tout l’hiver. Au printemps, les têtards, à foison en raison des milliers d’œufs pondus, laissent la place à des crapauds qui s’en vont se promener autre part l’été et reviennent chaque automne pour recommencer le cycle de la vie. L’on m’a dit que les crapauds vivaient trente-cinq ans et qu’ils revenaient pondre toujours au moindre endroit. Chez moi, c’est dans le bassin transformé en mare agrémenté d’un superbe nénuphar rose. Quand je ne lis pas, je laisse aller mon esprit et mes pensées vers je ne sais dans quelle contrée inaccessible. Je vais souvent loin et le plus extraordinaire c’est que j’en reviens toujours. J’ai fait un bon repas. Je n’ai pas été très sage. J’ai un peu usé de boisson. Enfin, usé … plutôt abusé. Il est bientôt quinze heures et je somnole encore, bien calé dans mon fauteuil, la tête pendant légèrement sur le côté. Je suis entre-deux, pas encore éveillé mais déjà plus ensommeillé. Comme souvent dans ces cas-là, mes pensées remontent le temps. Fin des années cinquante, chaque fin de semaine de La Pentecôte, le plus souvent le dimanche, ma famille organisait une journée de pêche à la ligne dans la rivière La Vienne, tout près du pont la traversant à L’Île Bouchard en Indre et Loire. Il s’agissait d’une véritable expédition, vous vous rendez compte, puisque le point de départ était à soixante-dix kilomètres de là, à Mirebeau-en-Poitou, dans le département de la Vienne. Cette année-là, j’avais treize ans, enfin douze ou quatorze. Je faisais partie de la fête. L’organisation de la journée, déterminée plusieurs semaines à l’avance, était un peu difficile car il y avait beaucoup de personnes à transporter et peu de voitures. En règle générale, en dehors de nous quatre, ma mère, mon père, mon jeune frère et moi, la famille d’un oncle du côté de ma mère se joignait à nous. Celle-ci était encore plus nombreuse à emmagasiner dans une seule voiture. Des coupes sombres étaient donc nécessaires. Dès lors, il y avait les « Jean qui rient » et les « Jean qui pleurent ». Comme toujours, une voiture chargée des pêcheurs partait dès potron-minet et l’autre suivait avec les femmes plusieurs heures après. Ce dimanche-là...


Lisez la suite de L'Ondine et la Sylphide sur le site

À commander sur ce site