Deux amis découvrent le Grande Canyon du Colorado pendant deux jours. L'un d'eux, sous le charme de ce paysage grandiose, se met à intérioriser, à rêver et à transposer...

Le Grand Canyon
Jean-Louis RIGUET
(Extrait)
 
Nous avions l’habitude de prendre certaines de nos vacances ensemble et à la montagne. Cela faisait plusieurs années qu’il en était ainsi. Nous avions exploré plusieurs vallées et fait plusieurs ascensions tant dans les Alpes que dans les Pyrénées. Nous partions toujours du bas et nous montions le plus haut que nous pouvions aller sur une durée maximum de deux jours. Mon ami Pierre et moi avions pris beaucoup de plaisirs à parcourir les sentiers montagneux. Nous y avions versé beaucoup de sueur et laissé quelques kilos. Un soir, au milieu d’une course, alors que nous faisions un bivouac à 1800 mètres d’altitude, Pierre me dit :
– Ce que nous faisons depuis des années, c’est de monter puis de redescendre. Ce qui serait fascinant ce serait de descendre puis de remonter.
Je ne répondis rien sur le moment, interloqué par cette remarque. Je me demandais comment cela se pouvait faire : descendre pour remonter ensuite. Quelques temps plus tard, Pierre me dit :
– J’ai trouvé la réponse à ma question.
– Laquelle, lui répondis-je ?
– Faire une course en montagne en descendant d’abord pour remonter ensuite.
– Et alors ? Qu’en est-il ?
– Il suffit de visiter un canyon. En règle générale, les visites se font dans le sens inverse de celui d’une montagne.
Nous nous documentâmes. Effectivement, Pierre avait raison. Je faisais un peu ma sourde oreille car, des canyons, il n’y en avait pas en France. Il fallait voyager loin pour en trouver un. Bien sûr, il y avait bien le canyon situé dans le Lubéron, mais la promenade était très courte. Finalement, une idée fixe avait envahi Pierre. Il ne jurait plus que par le Grande Canyon du Colorado. Depuis cette période, mon ami Pierre me bassinait avec son Grand Canyon. Il en faisait toute une histoire. Pour mettre fin à ce harcèlement, je décidai d'organiser une expédition en grandeur nature dans le nord-ouest de l'Arizona. Il n'en crut pas ses oreilles quand je l'informai non seulement du projet mais aussi que tout était arrêté, bouclé, organisé, payé. Il n'en crut pas ses yeux quand je lui mis sous ses mirettes les billets d'avion. Deux mois plus tard, après plusieurs heures de vol en Airbus, quelques kilomètres en 4x4, nous étions à pied d'œuvre. J'avais organisé une randonnée sur deux jours : le premier consacré à la descente et le deuxième à la remontée. Comme prévu, le Canyon se visite à l'envers des montagnes, il faut d'abord descendre pour ensuite remonter. Cette manière de faire, dictée par des soucis de sécurité, est d'ailleurs rappelée constamment aux visiteurs par d'innombrables panneaux "Danger de mort" parsemant les abords. Comme c'était le mois de mai, nous n'avions pas vraiment à craindre de pluies mais plutôt une température élevée. En descendant de la voiture, je m'étais étiré des bras et des jambes, ankylosés par plusieurs heures d'inaction.
– Nous allons descendre toute la journée, tranquillement, ai-je dit à Pierre.
– J'en suis d'accord.
– Je te recommande de ne pas t'écarter du chemin de randonnée.
Avant de nous élancer sur le chemin, un tour d'horizon s'imposait pour prendre possession des lieux. Le spectacle était grandiose. Les bras m’en tombaient. Pierre se ficha de moi en me voyant ébahi, ouvrant grand les yeux, la bouche bée. Devant nous, à perte de vue, le sol paraissait plat d'un côté mais, de l'autre, la dépression était immense et profonde. Difficile d'apercevoir, en dessous de nous, le lit du fleuve Colorado situé à plus d'un kilomètre en contrebas. On le devinait là-bas, au loin, roulant ses eaux vers le lac.
– Je n'ai pas de mots pour expliquer ce que mes yeux voient, dis-je avec un trémolo dans la voix.
Intérieurement, je me disais : « C’est beau, c’est superbe, c’est splendide, mais cette beauté me fait peur. Trop de quelque chose stresse, angoisse et tue les sentiments de plaisir qui vous assaillent. » Devant cet incroyable spectacle immobile, je me sentais redevenir comme un petit garçon. C’était la même sensation que celle ressentie lors de la découverte du Mont-Blanc, la première fois, j’avais 9 ans…

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