Retours sur la Grande Guerre (1)
 
« Je n’existe point pour une seule génération, mais pour un grand nombre », note un jour Schopenhauer, à l’âge de vingt-cinq ans, en 1813, en pleine guerre contre Napoléon, comme s’il pressentait à quelle solitude il s’achemine, et ses écrits avec lui. Cent ans plus tard, c’est à lui le premier que Franz Rosenzweig rend hommage dès les premières lignes de son propre opus magnum, L’Étoile de la rédemption, écrit en pleine Grande Guerre. Il y a donc bien comme des lignages de penseurs insolites et insolents, et des signes de ralliement entre eux. Car lui aussi Rosenzweig se sait, pour ses propres raisons, un penseur hétérogène : peu à peu devenu étranger à l’institution universitaire, à l’empire allemand, à l’historicisme. La Première Guerre mondiale lui offre comme la confirmation démesurée des trois grandes ruptures qui marquèrent sa vie et son œuvre.
 
Commentateur de Hegel philosophe politique, mobilisé dans l’artillerie de campagne dès l’hiver 1915, à Cassel sa ville natale, puis sur le front dans les Balkans, proche de deux universitaires de renom, F. Meinecke et H. Cohen, très engagés dans le débat public sur les buts de guerre de l’empire allemand, Rosenzweig a lui-même suivi de près les développements du conflit, beaucoup écrit et beaucoup correspondu à son propos. On peut donc présumer que les commémorations prévues de la Grande Guerre fourniront l’occasion de sa plus large découverte en langue française, même si les centaines de pages d’analyse qu’il a laissées – lettres, articles, essais – ne sont encore que partiellement traduites. Une sorte de malheur persistant marque depuis longtemps la réception française de Franz Rosenzweig : son extrême fragmentation. L’étude récemment publiée par W. D. Herzfeld aux éditions Karl Alber, Franz Rosenzweig, « Mitteleuropa » und der Erste Weltkrieg, devrait donner l’exemple : elle montre un Rosenzweig dans la guerre, témoin, participant et analyste, mais aussi écrivain représentatif d’un milieu – universitaire mandarinal ou intellectuel – dont les schémas et le style géopolitiques influencent le cours de la guerre ou ses langages, comme ils le font chez tous les belligérants qui y participent soit sur un pied de grande puissance, comme l’Allemagne et la France, soit comme puissance mondiale, telle la Grande-Bretagne. Du moins cette hiérarchie des niveaux de puissance, au moment de l’entrée en guerre, vient-elle tout juste de faire l’objet – retentissant en pays germaniques – des écrits d’un des fondateurs de la géopolitique, le Suédois Rudolph Kjellén. Et Rosenzweig en est un des lecteurs friands.
 
 
Anachronisme géopolitique
 
En Ukraine, la puissance accrue, ces dernières semaines, des ingrédients de pure idéologie indique certes, comme dans tout conflit qui s’aiguise, la mobilisation intense des dispositifs de propagande. « La première victime de la guerre », disait R. Kipling, « c’est la vérité. » Il faut donc considérer de près comment, cette fois, la propagande lui tord le cou, sauf à s’en tenir à des généralités aussi creuses qu’inutiles.
 
J’entendais quelqu’un, la semaine dernière, comparer l’état de l’Ukraine aujourd’hui à celui de l’ex-Yougoslavie au début des années 1990, rapprochement ingénieux à condition de tenir compte précis des vingt dernières années – passées par l’appareil soviétique recyclé à endurer sa mise au rebut ainsi que celle de la doctrine Brejnev, avant de se lancer, dès que Poutine prend les rênes, dans la reconversion à un programme de restauration impériale grand-russe. La méthode appliquée résulte d’un mixage bien dosé de motifs variés de l’histoire russe des trois derniers siècles, et comment pourrait-il en être autrement ! Mais leur point commun ressort avec évidence pour peu que l’on admette une hypothèse : depuis la fin de la seconde guerre de Tchétchénie, le Kremlin a fini par constater, à sa propre surprise, qu’il disposait peut-être, malgré l’effondrement de la structure soviétique interne et continentale, des moyens de sauver quelques meubles. Lesquels au juste ?
 
Le cours pris par le conflit ukrainien et son niveau toujours plus élevé d’intensité s’explique donc mieux si l’on consent d’abord à une brève rétrospective : (1) la dissidence est-allemande, dès le printemps 1989, avait paralysé le pouvoir de Honecker, le mettant KO debout, neuf ans seulement après l’affaire polonaise, et poussant Gorbatchev à négocier sans attendre l’unification allemande – (2) survenue peu après, la dislocation yougoslave n’avait paru qu’à peine concerner le Kremlin, indifférence remontant à la nette sécession de Tito au début des années 1950, le fait nouveau tenant toutefois à la genèse d’un national-communisme serbe – (3) le raidissement russe commença dans le cas de la Tchétchénie, puis de l’Ukraine devenue indépendante (âpres furent les transactions sur les armes nucléaires entreposées en Crimée).
 
Naissance de l'Eurasie
 
« Eurasie » : aux yeux de ses think tank et stratèges russes (Alexandre Douguine, Édouard Limonov, porte-parole de l’opposition dite national-bolchevik à V. Poutine), où en passent les frontières ? Question décisive, qui suppose d'abord qu’on les repère dès qu'émerge l’horizon eurasiatique, à l’histoire déjà longue. Les lignes qui suivent racontent sa première heure, la genèse de l’Eurasie, le nom de ses deux inventeurs. Nous les transcrivons du livre publié en 1906 par Jean Baruzi, Leibniz et l’organisation religieuse de la Terre. Né en 1881, Baruzi entre au Collège de France en 1933 (chaire d’histoire des religions). Quant à Leibniz, né à Leipzig en 1646, il meurt à Hanovre en 1716. On a conservé quelques-unes de ses lettres au czar Pierre le Grand, qui l’avait nommé par décret son « Conseiller intime de Justice », et à ses ministres – le matériau d’archives utilisé par J. Baruzi apparaissant ici cité entre guillemets.
 
Leibniz juge la Russie une terre riche de destinée. Aisément aujourd’hui les raisons géographiques de l’expansion slave sont aperçues et les conséquences de cette expansion sont pressenties. Mais au XVIIe siècle, à cause des bizarreries cartographiques, il fallait être un clairvoyant pour deviner l’avenir russe. Or Leibniz accroît son enthousiasme à mesure qu’il se rend compte des dimensions colossales de l’œuvre. « Une grande partie du globe de la terre », tout « le nord oriental de notre continent » : ainsi lui apparaît l’Empire russe.
 
 
Dès lors, la séparation de l’Asie et de l’Europe est tout à fait arbitraire. Leibniz saisit d’instinct la réalité géographique que les géologues actuels appellent l’Eurasie. Mais de la sorte le problème de l’expansion [européenne] vers l’Orient se précise scientifiquement. La mutuelle pénétration de l’Europe et de la Chine n’est plus une chimère ; elle est exigée par la géographie elle-même. La Chine est à elle seule une « Europe orientale ». Et la Russie a pour mission de la relier à l’Occident, d’accomplir la synthèse de deux civilisations qui s’ignorent. On choisirait un point type : Moscou deviendrait le siège d’un « commerce » entre la Chine et l’Europe, recueillerait avidement, de part et d’autre, et centraliserait les informations et les découvertes. Le czar est ainsi en état de tirer « de l’Europe d’une part, et de la Chine, de l’autre, le meilleur, et de perfectionner par des décisions bienfaisantes ce que toutes deux ont accompli ». La Russie peut combiner en elle-même, avec un équilibre naturel, l’Orient et l’Occident.


L'espace, fétiche géopolitique
 
Toute science a ses fétiches : forte de l’efficacité momentanée de ses méthodes du jour, elle s’autorise des images du monde, elle fantasme une réalité cachée derrière des apparences qu’elle-même est pourtant la seule à faire advenir et à transformer. Elle paye ainsi le prix de la puissance acquise ces quatre derniers siècles : s’en prendre au donné, pour se faire soi-même sa source, son origine, l’énergie de l’énergie. Cette puissance, on la dit prométhéenne, par claire allusion au mythe grec. Mais si cette mythologie lucide nous instruit sur notre condition technoscientifique, elle le doit aussi à sa vérité pathétique et pathologique. Notre supplice, à nous qu’aucun aigle ne vient tourmenter sur notre rocher caucasien, consiste à pouvoir – non, à devoir nous mentir à nous-mêmes, et à le savoir de telle manière que pourtant nous ne pouvons-nous en abstenir. Conscience non pas fausse mais faussaire. Contraints de fétichiser, de rationaliser à tout prix notre invraisemblable hyperpuissance technologique, nous ne nous détrompons qu’à la marge, par contrebande : par le rire. Comme tous les peuples, nous nous savons condamnés à la fiction du mythe, ce stade infantile de la raison, et de cette dépendance nous nous vengeons en nous moquant de nous-mêmes. Pratiquant ainsi ce qu’un grand écrivain nomma un jour l’ « insoutenable légèreté de l’être », pour bien dire cette malédiction : pour durer, l’existence exige beaucoup d’inconsistance, et beaucoup de désinvolture pour échapper à la douleur de l’irresponsabilité – celle de la naissance. Pas de rationalisme qui, comme on rase les murs, ne louvoie donc entre une mythologie – qui abrite et dissimule le fétiche – et une pathologie – qui appelle le palliatif, et de l’expédient fait une vertu. Exemple : les mythologies du progrès, les bienfaits de sa satire. Souvent, leur auteur est le même, voyez Lichtenberg, H. G. Wells ou K. Marx.
 
Intrigué par le revival de la géopolitique, à la fin des années 1980, un philosophe historien, Claude Raffestin, avait remarqué le penchant, pour ne pas dire la passion du schéma géographique chez les géopoliticiens de la première génération, en particulier l’école de Haushofer, née en milieu pangermaniste et mûrie en milieu hitlérien. « Les images sont souvent, aussi, utilisées, pour construire l’ennemi de toutes pièces […] La supposition de la géopolitique est que chacun peut être ennemi et, par conséquent, peut être attaqué. Du seul fait que toute agression est imaginable, il faut la prévenir en attaquant celui qui pourrait la réaliser quand bien même il n’a jamais pensé à le faire. Les géopoliticiens ont en quelque sorte implicitement inventé l’agression-fiction et se sont ingéniés par avance à la suggérer. De ce point de vue, la géopolitique s’apparente davantage au “jeu de guerre” (Kriegsspiel, wargame) qu’à une discipline cherchant à identifier des ensembles relationnels […] À de nombreux égards, la géopolitique est une caricature de la vie politique, dans la mesure où la politique est réduite à une dimension, celle-là même que Carl Schmitt a théorisée en 1932 par la formule “la discrimination de l’ami et de l’ennemi” » (Géopolitique et Histoire, Payot, 1995).
 
L'accélération mystique
 
Puisque l’espace-temps, passé un certain seuil de vitesse, se courbe et tend au trou noir, à une inertie multiple de celle de la matière, pourquoi ne pas imaginer que tout le mouvement dit d’« accélération de l’histoire » qui, depuis Henry Adams et Alfred Jarry, intrigue tant de bons esprits, n’aurait pas à la longue le même effet sur nos sociétés aussi ? Et que, de manière subreptice ou instinctuelle, loin de se griser de vitesse pour se détacher de leur niche et s’arracher à leur territoire, elles le rechercheraient, pressentant que le comble de la vitesse les ramènera à l’inertie originaire? Et qu’ainsi elles ruseraient même avec les premiers effets sensibles de l’accélération de toutes choses, comme si elles calculaient qu’avec ses effets ultimes, et grâce à ce paroxysme révélé par la physique gravitationnelle, elles finiraient par retrouver l’immobilité, l’enracinement fœtal des sociétés ralenties, sédentarisées, qui découvrent l’agriculture en renonçant au nomadisme ? Pourquoi ne pas imaginer, dans la même hypothèse, que les révolutions industrielles ont commencé par généraliser et accélérer transport et communication, mais qu’il ne leur restera bientôt plus que l’effet pervers maximal de cette mobilisation titanesque – l’effet gravitationnel terminal et normal : la reconstitution de la matière mais comme trou noir, autrement dit comme matière déliée de sa puissance, l’analogue et le négatif sidérants de l’énergie nucléaire se déliant de ses structures stables et instables ?
Les présages de cette fin inattendue – involontaire mais inconsciemment désiré, le retour du genre humain à la case départ – apparaissent çà et là. Je me garderai de les évoquer : à hypothèse extrême, il faut des faits précis, des indices congrus, une topique exacte, un argument ferme et falsifiable (Popper), non des songeries aussi molles et fantaisistes qu’un scénario de science-fiction.
 
J’appuierai donc cette hypothèse extrême – et bien sûr ironique –  sur une hypothèse classique : l’idée apparemment extravagante d’un retour du genre humain à la case départ, au terme d’un cycle gravitationnel entièrement révolu, rejoint le fantasme de la fin de l’histoire, il l’alimente, mais de manière perverse (et peut-être perfide, si l’on veut) puisqu’il lui enlève sa note jubilatoire d’assomption rédemptrice et lui en donne une tout autre, beaucoup moins hédoniste, beaucoup moins pacifique, beaucoup plus exténuante. Le mythe de la fin de l’histoire souffrait d’une tare rédhibitoire : il servait de dénouement ou d’épilogue idéologique ou théologique aux récits et aux religions de l’histoire linéaire. Le mythe d’un retour à son commencement, sans le moindre rapport avec le mythe nietzschéen et védique, brise avec cette fameuse ligne, et avec la flèche du temps aussi, quel que soit son parcours ou sa cible. Il a déjà ses passeurs, ses hérauts, sa gnose, sa technique. Écoutons-les.
 
Retours sur la Grande Guerre (2)
 
La proclamation révolutionnaire des États-Unis d’Amérique se fête chaque année le 4 juillet : Independence Day. Le 4 juillet 1915, en pleine guerre, le philosophe et universitaire allemand Georg Simmel, habitant à Strasbourg, publie dans un grand quotidien de la capitale impériale, le Berliner Tagesblatt, les pages ci-dessous. Leur nette valeur d’archives de la Grande Guerre des empires et de leurs intellectuels ne tient pas qu’à leur perspicacité et à la prescience visionnaire de leur auteur. Pour de bonnes raisons, Simmel s’y place sous le patronage de Jacob Burckhardt et de ses Considérations sur l’histoire universelle, objet d’une série de leçons en chaire remontant à 1870-71, au moment de la proclamation du Reich allemand. Une coïncidence plus forte encore fait qu’en janvier 1917 Henri Bergson, qui, entre 1895 et 1914, avait entretenu avec Simmel une correspondance cordiale et des relations intellectuelles productives, s’embarquera pour les États-Unis. Voix des intellectuels français engagés au nom du Droit et de la Civilisation dès les proclamations et manifestes de l’automne 1914 – parallèles au Manifeste des 93 produit en milieu intellectuel allemand –, l’ambassadeur officieux et prestigieux du gouvernement français plaidera auprès du président Wilson la cause de l’intervention militaire américaine sur le continent européen. Quant à Simmel, qui renonce à ses interventions de publiciste dès l’automne 1915, il meurt peu avant la signature de l’armistice et l’effondrement des empires allemand et austro-hongrois.
 
L’Europe et l’Amérique.
Considération sur l’histoire universelle
 
Si l’on se risque à tâtons dans les avatars de l’histoire universelle que nous prépare la guerre, on découvre alors dans l’attitude de l’Amérique une signification plus profonde que n’en laisse percevoir de prime abord le fait même des frets de munitions. S’agissant de notre relation à l’Amérique il nous est difficile pour l’instant de nous en donner une image nette qui reflèterait plus que nos transes du moment, parce que, par-delà notre condition d’Allemands, il nous faut en outre nous penser aussi comme un État européen et par conséquent dans une certaine unité avec tous les autres États du continent. Précisément, tant qu’en combattant l’Europe presque entière nous obéissons à une exigence pour nous inconditionnelle et à une résolution des plus ferventes, c’est là effort bien ardu. Et pourtant nous devons nous y efforcer car tous les intérêts germano-américains ont une prémisse : l’Allemagne ne se trouve pas seulement en Allemagne, mais aussi en Europe. Si paradoxal puisse-t-il paraître, l’Europe, j’en suis convaincu, reste une unité aux yeux des autres segments du monde – à ceci près que, par rapport à eux, le facteur Europe était doté d’une sorte de solidarité, mais que maintenant il fait figure d’unité, marquée pour ainsi dire d’un signe négatif : en lutte intestine, débordant de haine, se dépeçant.
 
La démocratie sous perfusion
 
La coïncidence veut que, le même jour, l’Ukraine et l’Union européenne aillent aux urnes. L’une et l’autre jouent gros. L’ironie de la coïncidence veut en outre que, dans un cas, on vote pour (et contre) une communauté, une Europe plus fédérale, et dans l’autre cas pour (et contre) le contraire : pour (et contre) une singularité, une Ukraine moins russe et plus nationale. Mais l’ironie de cette ironie veut à son tour autre chose encore : dans les deux cas, à l’Est comme à l’Ouest, il y a, au moins une classe de la société on ne peut plus indifférente au résultat de ces consultations électorales : les statisticiens, les instituts de sondage d’opinion. Eux au moins ont la certitude de rester en scène, quoi qu’il advienne au moment du dépouillement des bulletins, même dans l’hypothèse de perturbations fortes dans le court et le long terme (en Ukraine, bien sûr, entrée depuis quelques mois en situation de double pouvoir, mais à l’Ouest aussi, où progresse le désir de sécession et de morcellement, au nord – le Royaume-Uni, et en lui l’Écosse ; la Belgique ultra-flamande – comme au sud – Catalogne, Vénétie, à l’image du proche Kosovo).
 
Cette scène du scrutin, les sondeurs ne vont pas seulement y rester (leur entrée en scène ne date pas d’aujourd’hui), ils vont l’occuper, l’accaparer, et ce d’autant mieux qu’eux seuls peuvent donner à la simultanéité des deux procédures électorales simultanées un semblant de sens. Les voici – quelle aubaine ! – plus indispensables que jamais, car les deux sous-systèmes de ce système électoral d’un jour, vaste comme un continent, marchent droit à la caricature d’eux-mêmes. À l’est de l’Ukraine, il faudra, il faudrait imposer la protection armée des électeurs partisans de Kiev, en attendant la suite de la dislocation. Quant à l’Union européenne, son nom fait déjà entendre une note aussi dérisoire qu’un village Potemkine ou qu’un plébiscite : elle ne se décompose pas entre l’Est et l’Ouest idéologiques, comme l’ensemble post-soviétique (« libéraux » contre « néo-bolcheviques »), ni même entre le Nord et le Sud économiques (« technocratie » contre « pacte social »), elle implose tout simplement, si saturée d’elle-même que l’on voit d’anciens champions de sa propre classe politique faire campagne contre elle (à droite, le cas Sarkozy, à gauche, le cas Chevènement).
 
« Implosion » ? Implose tout corps devenu auto-immune : tout vivant devenu inapte à discerner entre ses pulsions de vie (vitamines, éros, convivialité) et ses pulsions de mort (virus et métastases, pollutions en tout genre, ressentiment et cruauté). Pourquoi nos systèmes sociaux et politiques, ces institutions et instruments du « gros animal » que compose une communauté humaine, ne connaîtraient-ils pas eux aussi, à leur manière, le destin des pulsions, comme tout animal gros ou petit, libre ou domestique, nocif ou inoffensif ?