Juillet 2012 (1)

Un livre de Paul Quilès (Nucléaire : un mensonge français) et une foucade de Michel Rocard : ce qui donne à ces récentes interventions en matière de dissuasion nucléaire leur note particulière ne tient pas tant au poids et à la carrière politiques de leurs auteurs qu’au moment par eux choisi pour se faire entendre : peu après le vote de la confiance exprimée par l’Assemblée nationale au gouvernement Ayrault II, et, au plan international, dans la phase finale des négociations appelées par la signature prochaine du nouveau Traité sur le commerce des armes. À l’arrière-plan géostratégique international se pose depuis plusieurs années la même question ardue et insistante : la politique nucléaire iranienne, et ses effets progressifs sur la réflexion stratégique née avec la « bombe ».


Juillet 2012 (2)

Je me souviens encore du jour, près de deux ans après la réunification allemande, où un germaniste de mes collègues nous le confia avec une fière conviction, il avait hautement approuvé la sentence d’un dirigeant du Parti socialiste (et futur ministre de Lionel Jospin) qui justifiait ainsi la décision du chancelier Kohl d’étendre à l’est de l’Allemagne unifiée le deutschmark, sans en modifier le cours ni la valeur : « Ou bien toute l’ex-RDA venait chercher du travail à l’ouest, un exode économique massif – ou bien c’était la devise de la RFA imposée à cours constant aux cinq nouveaux Länder, comme il advint. » Mon collègue, l’admirateur du fonctionnaire ministrable, m’avait ému : je découvrais en lui une puérilité que je n’avais pas encore soupçonnée. S’il faut un peu de vanité pour distribuer des croix après une bataille où l’on n’a pas commandé, il faut plus de candeur encore pour ne même pas désirer de dissimuler cet enfantillage.


L’ordre symbolique de la monnaie

En 1975, la Fondation Thyssen, sise à Cologne en pays rhénan, avait abrité la tenue d’un colloque consacré à l’œuvre de Georg Simmel. J’ai lu, ces jours-ci, la conférence subtile prononcée à cette occasion par Hans Blumenberg, « La bourse ou la vie », dont on trouve la version écrite dans un volume paru l’année suivante aux Editions Klostermann (Ästhetik und Soziologie um die Jahrhundertwende. Georg Simmel). Blumenberg s’y demande : Pourquoi donc Simmel conçut-il une philosophie de l’argent (titre bien connu de la traduction française parue aux PUF en 1987) ? En quoi l’argent appelle-t-il une philosophie, donc la philosophie et les philosophes ? Réponse : entre la monnaie, expression hautement abstraite de la valeur des choses (objets ou prestations) qui se troquent, et la pensée philosophique gourmande de concepts dont le sens diminue à proportion directe de leurs applications effectives ou possibles, les affinités ne demandent pas qu’on les démontre, l’analogie s’impose dès qu’elle se révèle à l’intuition. Analogie manifeste entre la pièce de monnaie qui s’échange contre n’importe quel objet possible et les concepts de « sens », ou de « puissance », ou de « pensée », qui ont autant de significations qu’il y a d’ouvrages philosophiques pour les employer et de dictionnaires pour les… définir.