TROIS ENFANTS JUIFS
ET DES ENFANTS CHRÉTIENS
 
 
 
         Agde, ville méditerranéenne construite près d'un volcan, 22 mars 2012. La cathédrale en pierres noires de basalte accueille une grande assemblée œcuménique réunie par l'archiprêtre-curé, Yannick Casajus, et par la directrice de l'école catholique Notre Dame, Marie-Andrée Van Cao. Un pasteur protestant et un pasteur méthodiste ont répondu à l'invitation ainsi qu'une Juive et une chrétienne orthodoxe, amies.
 
         Dans le chœur, près d'un grand bougeoir, trois panneaux sur lesquels sont écrits en grandes lettres colorées les trois noms de Gabriel, Aryèh et Miryam ainsi que leur âge.
En face de leurs noms, aux premiers rangs de l'assemblée, une cinquantaine d'enfants catholiques qui monteront en petits groupes successifs pour apporter et déposer des lumières.
 
         Depuis trois jours en effet, depuis la tuerie à l'école-lycée Otsar hatorah, « Le Trésor de la Torah » de Toulouse, ces enfants agathois ont été informés et préparés à penser, à prier et à faire mémoire des trois enfants.
Une première montée des enfants a lieu alors que le prêtre, membre de la commission diocésaine d'art sacré, a expliqué que le choral joué par l'organiste fut composé par Mendelsohn, Juif d'origine.
 
         Le premier pasteur enseigne le questionnement sur la souffrance posé par le prophète Habaquq avec l'appel à la fidélité donné à chaque juste. Le deuxième pasteur fait éclater dans la cathédrale toutes les intonations du Psalmiste du Psaume 102, l'épanchement de son accablement et ses cris vers Dieu.
 
         Aux petits et aux grands de cette assemblée, aux parents et aux paroissiens, le prêtre rappelle que tous les jours des chrétiens et des Juifs prient avec des Psaumes et que ces prières les rapprochent.
Voici que quatre enfants viennent au micro. La fillette lit le Psaume 140 (139) et les jeunes garçons lisent les Psaumes 10 (9) et 17 (16), des Psaumes difficiles comme autant de cris désemparés vers le Seigneur.
 
        Le prêtre annonce que l'organiste va jouer « l'hymne d'Israël ». Ce soir, il y a peu de Juifs, mais quelques personnes se lèvent quand montent les notes de Hatiqwah, l'Espérance.
 
         Avec les pasteurs, l'amie Juive a aidé les enfants catholiques à allumer leurs lampions ; à son tour, elle vient lire le Psaume 64. Puis, viendra la chrétienne orthodoxe pour une prière à l'Esprit Saint d'un père du désert, Silouan. Auparavant, le prêtre rappelle qu'il y a douze ans, jour pour jour, le pape Jean-Paul II était à Yad Washèm à Jérusalem. Il lit les paroles que Jean-Paul II y avait prononcées. Paroles intenses sur l'assassinat d'enfants Juifs pendant la Shoah. Paroles très fortes pour ceux et celles qui savent que depuis le Camp d'Agde étaient partis quarante quatre enfants pour être cachés à Izieu dans l'Ain, mais qu'ils y furent pris par Klaus Barbie.
 
         Les pierres de basalte de la cathédrale qui ressemblent tant aux pierres des constructions de Kphar Nahum et de Tibérias portent désormais pour toujours cette mémoire de la Shoah et la mémoire des trois enfants de Toulouse, Gabriel, Aryèh et Miryam, enterrés hier matin au « Mont du Repos » à Jérusalem.
 
                                                                      Marie Vidal ©