Mai 2010, l’Esprit Saint
 
 
Entre les fêtes chrétiennes de Pâques et de Pentecôte, une attente est enseignée, répétée, chantée, la venue de l’Esprit Saint. L’un des dimanches, la liturgie catholique lit dans l’Évangile de Jean ces paroles de Jésus :
 
Je vous dis tout cela pendant que je demeure encore avec vous ; mais le Défenseur, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit.

                             (en Jn 14,23-29 ; traduction liturgique)
 
Parmi les chrétiens, beaucoup connaissent le Défenseur et son nom grec, Paraclet, Παρακλητος. Les prêtres, évêques, catéchètes, les religieux, religieuses, moines et moniales, les jeunes en camp, en communauté ou en aumônerie, chantent cette consolation et cette assistance vitale de l’Esprit Saint.
Mais est-ce le seul emploi en langue française ? D’après la définition donnée par les dictionnaires, il semblerait que personne ne l’emploie différemment. Et le Petit Robert 2004 énonce :
 
PARACLET n.m. du grec paraklètos « avocat », de kalein, appeler. t RELIG. Le Paraclet : le Saint Esprit.
 
À partir de Pèsah cependant, la lecture et l’étude d’un petit livret du Talmud est proposé aux Juifs, en écriture araméenne. Ce livret contient six chapitres et chaque chapitre suffit pour une semaine entière. Ce livret sera lu trois fois d’affilée, soit dix-huit semaines durant. Dans les quarante neuf jours qui séparent la fête de Pèsah et la fête des Semaines, Shavouôt, des Juifs comptent les gerbes journalières et écoutent ces chapitres. La quatrième semaine, au chapitre IV, ils entendent ceci :
 
Rabbi Éliézer ben Ya‘aqov disait : Celui qui accomplit un commandement a acquis pour lui un défenseur. Et celui qui transgresse par une transgression a acquis pour lui un dénonciateur. La conversion et les bonnes œuvres sont comme un bouclier devant la punition (le désordre).
                                  Chapitres des Pères, Pirqei Avot 4,13 
 
Rabbi Éliézer enseigne la conduite à tenir. Il ne s’agit pas d’aller directement au terme car le but n’est pas d’abord d’acquérir un défenseur. Il s’agit plutôt de vivre la réalité de la Torah au quotidien, de faire téshouvah chaque jour. Alors cela sera une bénédiction, cela est une bénédiction et un surcroît de vie.
 
Or, la langue araméenne est la langue juive typique, plus typique que l’hébreu liturgique. Cette langue emprunte des mots au grec environnant, elle ne les traduit pas mais les transcrit. Ainsi le mot défenseur ou avocat est dit peraqlît,פרקליט ,avec le préfixe grec para, para, auprès de, de la part de. Quant au mot dénonciateur, il pourrait être rendu par méprisant, blâmant, celui qui fait tomber, descendre, celui qui abaisse, déchoit et condamne, l’accusateur ou l’abatteur ; il est calqué du grec et se dit catégor, qattègôr, קטגור , avec le préfixe signifiant de haut en bas, cata, kata.
 
Ainsi et dans les mêmes temps, les Chrétiens et les Juifs prononcent le même mot Paraclet, défenseur. Chacun trouvera peut-être des avantages de son côté particulier ou même quelque suprématie. D’aucuns penseront que c’est normal ou évident puisque la liturgie chrétienne est issue de la liturgie juive.
 
Jésus qui appela Lazare n’est-il pas proche de Rabbi Éliézer ? Ces dires répétés dans la Torah Orale n’ont-ils pas habité en lui pour qu’il les transmette encore et encore à ses disciples ?
Les deux routes restent continuellement proposées aux choix des hommes et des femmes, des personnes âgées et des enfants, le paraclet avocat, ou, à son encontre, celui qui abime dans des catégories.
 
Marie Vidal ©