De Kandahar à Tombouctou

 

Si le calendrier annoncé à la récente session du Conseil de Sécurité des Nations Unies s’applique à la lettre, les premières opérations militaires contre l’Aqmi basée au Nord-Mali commenceront au début de l’année 2013. À plus d’un titre, cette échéance représente d’ores et déjà un tournant considérable du conflit avec l’islamisme ultra. Son extension à l’Afrique Noire, le retour au désert comme théâtre de la guerre, la pole position politique et logistique de la France dans la coalition qui se dessine et la primordiale fonction pivot de l’Algérie quelques années seulement après la fin de la guerre civile – autant d’ingrédients dont la sèche énumération indique par elle-même pourquoi le « front » sahélien qui se dessine maintenant, simultanément à la guerre civile syrienne et en sus du « front » afghan et pakistanais, doit faire l’objet d’une anticipation approfondie.

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Pour une chronopolitique

Interrogé un jour sur ses premiers essais, Paul Virilio, qui venait tout juste de baptiser « dromologie » leur perspective et leur contexte, ne parut pas attacher autrement d’importance au vocable. À bon escient. Nos générations, orphelines du latin et otages du franglais, ne lésinent pas sur les éphémères mots-valises qui bariolent le décor de l’american way of life, comme si leur mousse ne favorisait pas l’idolâtrie bavarde de la technoscience. Et bien des savoirs se porteraient moins mal s’ils se contentaient en effet de bien décrire leur objet, sa position possible ou actuelle dans les immensités où s’improvise l’existence. Du destin de l’œuvre originale de Paul Virilio il faut en revanche considérer la réception parmi les disciplines établies, aujourd’hui. Car c’est là un point qui, loin de ne concerner que les lecteurs de P. Virilio, savant modeste, donne vue, et à bonne altitude, sur l’avenir de la pensée géopolitique, souvent immodeste, et sur les conditions de sa refondation.

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Icare est revenu

 

Nous qui, depuis le premier billet de La Quinzaine géopolitique, disons et répétons que les grandes puissances ont pris d’assaut la stratosphère au cours de la Seconde Guerre mondiale et qu’elles l’aménagent dans l’espoir de mieux régner sur Terre comme au Ciel – nous saluons fraternellement Felix Baumgartner, le premier homme à réussir tout nu la traversée de ces espaces-temps d’outre-sphère et d’après la fin de l’histoire !
Un Norvégien, Amundsen, en posant le premier le pied sur le pôle Nord, avait mis fin aux Temps modernes inaugurés par Christophe Colon. Un Autrichien, aujourd’hui, met fin à l’ère Amundsen en plongeant en navigateur solitaire dans des mondes que ne transgressaient jusqu’à maintenant que nos sondes et leurs longueurs d’onde. Les voies des Titans restent décidément aussi impénétrables qu’au premier jour. Les fils de Prométhée se suivent et répètent la règle de toujours : obscures, leurs origines ! Les peuples d’Europe se disputent en vain l’honneur de se prétendre la patrie du découvreur peut-être juif de l’Amérique, Amundsen et Baumgartner viennent de nations modestes, anciennement glorieuses et qui n’ont plus qu’un peu de neige en commun !

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L'OTAN devant la Grande Porte

Commentant l’arraisonnement turc d’un A320 syrien chargé d’informatique militaire d’origine russe, l’excellent Bernard Guetta exposait ce matin jeudi 11 octobre le dilemme qui handicape l’initiative stratégique d’Ankara et explique les curieux méandres de l’affrontement entre les deux régimes : il faut dissuader Damas de porter la guerre contre les opposants à Bachar al Assad réfugiés en Turquie parce qu’il n’est pas d’atteinte à la souveraineté turque qui tienne – mais à l’inverse il faut ménager Damas comme élément du statu quo régional qui, pour Ankara, comprend aussi la poursuite des opérations militaires contre les indépendantistes kurdes. Trois conflits au moins s’enchevêtrent donc à la frontière des deux États : la guerre civile syrienne qui la chevauche depuis de longs mois, la tenace guérilla kurde en territoire turc, qui depuis des années sait l’appui dont elle dispose auprès de la minorité kurde de Syrie, la translation et la transformation de ces deux conflits en une tension croissante, en une guerre perlée entre la Turquie et la Syrie.