Retrouvés !
                                                                                                                                         Juillet 2010
                                                                                                                                Au 16 de ce mois
                                                                                                                fut la rafle du Vel d’hiv
 
 
 
Le mot Retrouvés correspond-il ? Faudrait-il écrire le titre Retrouvailles ? Pendant des années, un fils a pensé que son père biologique l’avait abandonné. Non seulement lui, mais beaucoup de ceux qui commentent aujourd’hui son livre. Ils en parlent comme si le père avait refusé de reconnaître l’enfant.
 
Il est né pendant l’été 1960 d’une toute jeune maman de dix-sept ans dont la mère catholique refusa une Judaïté. Or, le jeune papa était Juif marocain, absent au moment de la naissance pour cause de visa à proroger.
 
La Guerre était terminée depuis quinze ans, mais ni ses répercussions, ni ses germes. La maman, elle, était née pendant cette Guerre où l’Antijudaïsme fut tant utilisé et où l’Église catholique ne prit pas l’exacte mesure de « l ’Enseignement du Mépris ». La grand-mère n’avait oublié ni ses leçons, ni sa culture.
 
Pourquoi la plupart des responsables catholiques oublièrent-ils de voir objectivement les dégâts d’une lecture de la Bible et des Évangiles ? Comme une main oublie de fonctionner lors d’une paralysie. 
 
La main reste sur la poignée ou sur la rampe à laquelle elle était accrochée. Elle ne suit pas le mouvement du corps. Son retard risque d’empêcher le prochain geste. La personne a en effet perdu les sensations de sa main. Elle n’a pas conscience de ses doigts retenus en arrière. Oublis.
 
Ces doigts tireront le corps dans le sens contraire de la marche ou des gestes à effectuer. Presque à chuter. Sans commande ou télécommande, ils ne se détacheront pas.
 
Ainsi des prêtres et des évêques. Pour eux, la Guerre était la Guerre, terminée. La foi était la foi, inébranlable auparavant, identique après. Car n’existait aucune relation de cause à effet entre la guerre et la foi. Lors, lectures et enseignements restaient et resteraient à l’identique.
 
Si un enfant né de père juif n’était pas éloigné de son père, ce serait un traumatisme pour l’Église et tous ses membres. Que l’enfant subisse le drame de l’abandon ou du père inconnu ne paraît pas très grave. Ce qui compte est la foi. Et la vraie foi n’existe pas en dehors de l’Église.
 
              Telle est l’histoire d’un enfant, petit, adolescent, adulte, qui a nourri du ressentiment pendant des décennies contre celui qui, avait-il compris, l’avait abandonné. Tel est le fruit actuel d’un enseignement du mépris. Une femme d’une cinquantaine d’années en 1960 a décidé d’abandonner le Bébé de sa fille, du moins d’effacer la mémoire du père de l’enfant. Et d’une famille.
 
 
              Le livre d’Éric Fottorino Questions à mon père, édité chez Gallimard en mai 2010, est-il un roman ou une biographie ? S’il est un roman, il est tout à fait plausible. S’il est une biographie, il se lit d’une traite dans l’étonnement d’une humanité pas très humaine et dans la satisfaction devant la persévérance. Avec, aussi, le souci de ces retrouvailles, découvertes nouvelles comme chacun instant d’une naissance.
 
Pour moi, je l’ai lu avec la douleur de ma responsabilité en Église, responsabilité si difficile à communiquer. Révolte contre les paralysies plus ou moins volontaires.
 
 
 
             ©   Marie Vidal