Le titre du livre pose d’emblée les contours d’un espace pour ces poèmes de Muriel Augry rythmés par la tension et le désir. Même si les protagonistes ne sont jamais nommés, leurs silhouettes furtives sont omniprésentes, saisies dans un vertige sans cesse attisé par des fragments de mémoire et des sensations. Ces présences se déploient dans l’ombre d’un demi-silence, à l’intérieur d’un avant lieu d’où les mots évincés se déplacent naturellement vers le poème. Le souffle intense de la passion et des sens le traverse et l’irradie, là où il naît, aux lisières de la rencontre désirée, puis ardemment remémorée. Tout commence dans un bruissement que fredonnent puis entonnent les mots. Les silhouettes s’attirent l’une l’autre dans une danse des astres où se défait, puis se recompose le monde. Soif des sens et brûlure traversent de part en part la tarentelle fatale, qui  prendra fin dans le paroxysme de la fusion. On a coutume de dire que le monde s’esquive pour ceux qui sont pris de passion. En son temps, le poète John Donne a joué de la figure du microcosme et peint un univers qui se contractait jusqu’à devenir celui de ses protagonistes, dans une pièce devenue leur unique horizon. Ici l’univers entier connaît une expansion qui emporte dans l’ampleur de son tourbillon reliefs, mers, ciels et forêts. Chacun d’eux se fait trait pour une calligraphie de l’intime inscrite au cœur de l’immensité. Les œuvres d’Abdallah Akar accompagnent superbement ce recueil dans un éclatement des formes  jubilatoire. Il marie avec à propos courbes, couleurs et graphie en résonance avec les poèmes.

Cécile Oumhani