Eau

Il suffit de rester plus de quinze jours dans une région aride pour se rendre compte à quel point l’eau nous est nécessaire. Mais l’excès ne nous convient pas plus. Les pluies torrentielles, si elles perdurent, nous effraient.
La vie est apparue dans les océans il y a quatre milliards d’années. La sortie des eaux s’est produite au moins deux milliards d’années plus tard.
Nous ne dépendons plus directement de l’eau libre, en particulier pour la reproduction, mais cette molécule, avec l’oxygène, reste notre besoin primordial. Elle se boit avec délectation et l’on s’y baigne très heureusement. On ne se lasse pas du plaisir des enfants à jouer dans une eau à bonne température. Comme s’ils se souvenaient de leur vie fœtale.
Une matière fabuleuse qui se modifie aisément en solide, liquide et gazeux. Ces trois états composent notre réalité : nous sommes campés sur la terre avec souplesse, nous respirons l’air et rêvons de légèreté, d’élévation.
La transparence, la fluidité, la liberté de l’eau nous plaisent. Sauf cataclysmes, on la contemple dans toutes ses démonstrations : pluies depuis la bruine jusqu’à l’averse, neige, torrents, rivières et fleuves, lacs, mers et océans. Les brumes et nuages accompagnent notre imaginaire. Notre corps lui-même exprime une douzaine de fluides.
Écrivant ces lignes, je bois un verre d’eau douce en pensant au poème éponyme de Francis Ponge. Certes, nous n’oublions pas que l’eau peut être dangereuse. Je remercie l’humanité d’avoir créé l’eau potable, courante, et fais le vœu qu’un jour elle soit accessible à tous sur Terre.
 
11 janvier 2016

École

Admirons les enseignants des écoles maternelles, primaires et secondaires ! Les voilà seuls devant leur jeune public avec une double mission : faire régner l’harmonie dans la classe, transmettre un savoir.
L’école date de l’invention de l’écriture, mais c’est seulement depuis un siècle et demi qu’elle a pris toute son ampleur. Au 20e siècle, en France, non seulement le temps de scolarité a plus que doublé, passant de 6 – 14 ans à 4 – 22 ans mais c’est bien la totalité des enfants et des jeunes qui est maintenant concernée.
L’école est l’invention la plus géniale des humains. Cependant, toute récente, elle doit encore s’améliorer, en particulier pour rééquilibrer les inégalités familiales ou pour se prémunir des problèmes de groupes.
L’école est un monde enchanteur lorsque cela se passe bien ou effrayant dans le cas contraire.
Le plus souvent, heureusement, les enseignants sont récompensés dans leurs efforts par la joie et l’enthousiasme perpétuels des enfants toujours avides d’intelligence, d’humour, de savoir-faire, de créativité, la nourriture de leurs neurones en pleine multiplication et connectivité.
À tous les âges, quatre formes d’activités sont réclamées : sensorielle, gestuelle, orale et écrite. Cependant, plus on avance vers les études supérieures, plus l’écrit devient prépondérant. Pour les trois autres formes, les jeunes gens dépendent alors de leur famille, de leur environnement, de leurs penchants.
L’école veille à rétablir un équilibre vers la multiplicité des passions humaines positives, en proposant des sports, des voyages, des évènements artistiques, des fêtes où l’on danse.
 
18 janvier 2016
 
Écriture
 
L’écriture est un dessin codifié. Quel affinement du corps ! Il lui faut d’abord savoir tracer des petits signes réguliers, puis apprendre l’alphabet, enfin mémoriser la convention de sens et de sons des mots établie par la parole.
Le geste se précise jusqu’à un simple mouvement du poignet et des doigts, ce qui implique un contrôle neuronal et musculaire très avancé. Le regard se focalise sur les signes et doit se montrer apte à détecter le moindre point.
Depuis les hiéroglyphes et les cunéiformes, l’écriture s’est améliorée et répandue universellement. Elle a généré la science, qui n’existe pas sans elle. Elle a créé aussi les documents de propriété privée et l’argent, ce qui a bouleversé les relations humaines.
Les progrès de l’écriture jusqu’au numérique d’aujourd’hui ont été réalisés en un temps minime comparé aux centaines de milliers d’années des temps anthropologiques. Cette rapidité est due aux apports exceptionnels de cet outil corporel : il permet la mémorisation et la transmission, et donc, l’appropriation, la comptabilité, la narration, la stabilisation du raisonnement, le divertissement, etc.
L’écriture est en soi une lecture immédiate puisque le scripteur doit vérifier visuellement la pertinence de ce qu’il trace. Puis, chacun peut profiter du travail accompli.
Contrairement à la parole qui nécessite un interlocuteur, l’écriture est un acte individuel, de même que la lecture silencieuse. Il en résulte une individualisation proportionnelle à la pratique, qui contribue à une nouvelle extension de la relation au monde.
 
25 janvier 2016
 
Embrasser
 
On embrasse de deux façons : en prenant dans les bras et en posant les lèvres. Ce geste offre une reconnaissance dans l’estime ou l’affection.
Également geste de contact, la poignée de mains se montre plus impersonnelle. Cependant, elle révèle les tempéraments.
La relation humaine a besoin de ces signaux d’intensité variable. Car la différence est grande de rencontrer une personne pour la première fois ou de la connaître depuis toujours, comme c’est le cas en général avec le père et la mère, les frères et sœurs aînés.
Aux deux extrémités de la vie – le petit âge et le grand âge –, les gestes ont une importance affective primordiale. Pour le nourrisson, c’est le début du développement neuronal sens – gestes – oralité. Pour le senior, c’est la remontée vers l’immédiat.
Il y a beaucoup de façons de prendre dans les bras autrui. Cela commence en définitive dès la préhension sensorielle. Et d’ailleurs, on peut dire que chacune de nos perceptions sensorielles est une façon d’embrasser autrui et le monde extérieur.
De sorte que l’embrassade d’autrui commence avec celle de l’univers. Levons grands ouverts les bras vers les feuillages, vers les nuages et l’azur, vers les étoiles, et c’est autrui qui en ressent l’effet.
 
01 février 2016

 Enfance

Pour chaque adulte, il y a trois enfances simultanées : celle des enfants actuels, l’enfance que l’on a vécu soi-même, et la part de caractère infantile que l’on garde au fond de soi.
En toute logique, la société et la famille donnent priorité à l’enfant en train de grandir : c’est grâce à l’enfantement que nous existons, c’est grâce aux enfants que le monde existera plus tard, et les enfants ne peuvent se passer de soins et d’éducation.

L’enfant émerveille par sa beauté et par son évolution. C’est une succession d’années où l’imaginaire et le savoir se développent continûment, entre habitus et inventus, joies et tensions.
L’enfance est l’avenir d’un peuple. Mais également, l’enfance, selon les conditions qu’elle rencontre, détermine l’avenir de l’individu.
Réfléchit-on assez à l’enfance ? Comment contribue-t-on le mieux possible au développement neuronal ? L’école et les parents ont sans doute de grands progrès à faire pour mieux coordonner l’acquisition des quatre outils sens – gestes – parole – écrit et leur affinement.
Et soi-même ? Sait-on se raconter toute sa propre enfance ? L’enfance devant nous et en nous n’est-elle pas le reflet de l’ensemble de notre existence ?

Si chacun gagne à construire sa continuité biographique, celle-ci commence par l’enfance.

 
08 février 2016

 

Étoile

En diminuant la visibilité des étoiles, l’éclairage citadin nous prive de la stupéfaction provoquée par la Voie lactée. Deux mondes humains en résultent : celui qui oublie l’immensité stellaire et celui qui en est, chaque soir de beau temps, ébloui.
Il est tout de même très étonnant que l’on n’entende pas plus parler de cette myriade sinuante qui représente l’un des bras de la galaxie spirale à laquelle nous appartenons. Quiconque a eu l’occasion d’être surpris par cette splendeur en conserve à jamais un souvenir privilégié.

Cependant, au crépuscule, les planètes font concurrence aux étoiles. Quand elles sont présentes, elles apparaissent les premières car elles brillent plus : l’étoile du berger, Vénus bien sûr, mais Jupiter aussi, Mars et Saturne, Mercure. Lorsque deux planètes se côtoient, ou si la Lune est proche, les dimensions spatiales deviennent tangibles, on ressent physiquement, jusqu’au vertige, le tournoiement de la grande horlogerie céleste.
En hiver, sous nos latitudes, une constellation ne peut pas être manquée, plein Sud : il s’agit d’Orion, ce grand trapèze formé par Bételgeuse, Rigel, Saïph et Bellatrix contient la ceinture d’Orion, un bel alignement de trois étoiles. Bételgeuse constitue avec Sirius et Procyon le « triangle d’hiver ». Au cours de la nuit, Orion glisse vers l’Ouest et nous fait percevoir la rotation terrestre.
Étoiles, chères étoiles infiniment éloignées, galaxies innombrables, nous vous ramassons à pleines mains et vous lançons dans l’espace pour vous éparpiller comme des paillettes.

 
15 février 2016