Juin - Juillet 2010

Quarante jours après la Pentecôte

 

Pourquoi l’humain compte-t-il beaucoup ? Parce qu’il est constitué d’un rythme et d’une horloge biologique ? Parce qu’il est acheminé à s’intéresser à des événements et à des prochains qui compteraient beaucoup pour lui ? Invité à les prendre en charge et à penser et vivre ses responsabilités ?
Son corps compte et enregistre le pouls, les respirations, les pas qu’il faits. Sa vie se mesure parfois au compte des années et, à son gré, les jours passent si vite ou tellement lentement. Ses machines comptent les kilomètres sur la route, les litres d’essence ou de gasoil et jusqu’à la vitesse, d’autres notent tout. Ses calendriers mémorisent les anniversaires de toutes sortes, et des dates s’ajoutent aux dates.
 
Dans la Torah que Moïse a reçue, sont recensés tant de comptes qu’un des Cinq Livres est parfois appelé « Les Nombres » et les années de sa vie arrivent jusqu’à cent vingt. Le Livre de la Genèse avait auparavant compté les années des vies de Sarah à Joseph. Notion de temps que pourtant les Disciples des Sages enseignent comme une stabilité dans laquelle les humains passeraient, eux, et non les heures ou les jours.
 
Dans la liturgie des peuples, chacun porte des rythmes et les met en valeur. Les Chrétiens savent les comptes de Pâques à l’Ascension et de l’Ascension à Pentecôte. Expliquant les quarante jours du Carême auxquels n’appartiennent pas les dimanches, ils arrivent à quarante six. Ils connaissent les quatre dimanches de l’Avent qui préparent à Noël et le déroulement des trente quatre dimanches dits « du Temps Ordinaire ». Les Juifs ont lu depuis longtemps les allées et venues de Moïse sur le Mont scandées par le Quarante ; leur calendrier en tient compte. La Tradition juive compte quarante jours après la fête du Don de la Torah, Shavouôt, elle même située à sept semaines de Pèsah. La Tradition situe à ce moment le retour de Moïse qui avait trop tardé aux yeux des fils d’Israël et des gens mélangés sortis d’Égypte avec eux. Ils firent le Veau d’Or. Et il arriva, quand Moïse s’approcha du camp, il vit le Veau et les danses ; et le nez de Moïse chauffa et il lança les Tables loin de sa main. Et il les brisa sous le Mont. (Ex 32,19)
 
Cette date accumulera les difficultés et les détresses pour le Peuple d’Israël telle la première brèche que fit Nabuchodonosor dans les murailles de Jérusalem, en 586 avant l’ère commune, ainsi que les premières failles que fit l’armée de Titus dans Jérusalem, en 70 de l’ère commune : commencements de la destruction du premier Temple, puis du Second Temple. La liturgie juive propose donc un jour de jeûne et la lecture de deux passages de l’Exode : Ex 32,11-14 et Ex 34,1-10. Cette année 2010, Shavouôt, la Pentecôte juive commençait la veille du 19 mai. Quarante jours après Shavouôt sera le 29 juin. 
 
 
 
Mais les comptes ne s’arrêtent pas et les mêmes lectures seront faites trois semaines plus tard l’après-midi, lors du grand jour de jeûne du 9 Av qui lui aussi a acquis une densité d’événements douloureux pour Israël. Date des destructions des deux Temples, mais aussi date des rapports lamentables par les Envoyés de Moïse relatés au quatorzième chapitre du Livre des Nombres. Ces rapports provoquèrent des pleurs de la part de toute l’Assemblée. Cette année 2010, le 9 Av du calendrier juif sera le 20 juillet. Mais les Disciples des Sages lisent la Torah de différentes façons et si les Tables de pierre furent brisées sous le Mont, ils enseignent que les lettres qui y avaient été gravées se sont élevées vers les Cieux, le Lieu de Dieu. Signes d’espérance et de réécriture des Tables. Appels pour les Enfants d’Israël à continuer à écouter et à agir ; à recommencer à être responsables.
Enseignement sur la joie qui jaillira un jour du plus profond de la détresse.
 
Les artistes ont aussi entendu, telle Hassidah Landau, peintre au Kibbutz Sheluhot. Dans son livre, Qol hatana’kh, The voice of the Bible, elle offre aux pages 66 et 68 deux reproductions de ses immenses peintures sur ces Lettres de l’Écriture de Dieu.
 

Marie Vidal©