Prière de ne pas abuser

Patrick C. Goujon

Éditions du Seuil, Paris, 2021

 

Un livre publié au moment du travail de la C.I.A.S.E. après plus de quarante années d’oubli, ou plutôt de déni. Si la petite fille du livre précédent a toujours été consciente des agressions subies, le petit garçon a somatisé, selon le terme grec, même s’il préfère parler latin et énoncer sa précarité. Il est en effet devenu prêtre jésuite, priant, enseignant « la conversation spirituelle » !

Quel est son long chemin avec tellement d’anti-inflammatoires qu’un pharmacien refuse un jour de les lui délivrer ? Quelle est sa longue quête auprès de médecins et de psychologues bienveillants qui lui apprennent à « se » soigner ? Non, il ne savait pas « se » soigner, l’Église ne le lui avait pas appris. Un jour récent, il sortit tout à coup de son déni à la façon dont il était sorti d’un train quelques minutes auparavant ! Un train venant du Nord…

Lui aussi réfléchit beaucoup sur le crime et sur le scandale dans l’Église catholique. Comment installer un prêtre pédocriminel dans l’un des lieux les plus importants du gouvernement d’un diocèse, au secrétariat de l’évêché ? Là où des documents risquent de disparaître… là où le train-train des « salauds » peut rapidement être enterré et où la santé des enfants court le danger de ne compter pour rien… qu’un prêtre soit installé là, n’est-ce pas le contraire de la responsabilité, du respect et de l’amour ?

Son parcours lui permet de réexaminer sa vocation de prêtre, et ce qu’il a appris de la musique, de la joie, des amis. Mais le prêtre jésuite qu’il est pointe l’importance de la Justice et comprend le long temps nécessaire aux victimes pour se refaire. Que des victimes d’abus sexuels dans l’Église refusent la foi catholique à cause de l’Église reste une question que relève aussi Marie-Claire Silvestre dans sa recherche, comme si l’honnêteté imposait de dissocier les deux.