Les Lendemains turquoises, de Muriel Augry, Édition Marsam, Maroc, 2010. Préface de Bensalem Himmich.
 
Une barbe à papa trace un sillage dans l’air
Des ombres s’expriment sur le sable
Les vagues  meurent par hoquets,
L’ile épie le ballet des esquifs   sous haute garde des goélands
L’hiver se retire  
La longue bande dorée cherche son maquillage
Le spectacle va commencer.
 
Quelle belle entrée en matière que cette chevauchée marine qui inaugure le recueil de Muriel Augry Intitulé Les lendemains turquoises et paru chez Marsam. Il est vrai que l’auteur ancienne khâgneuse, est aussi spécialisée dans la littérature de voyage en Afrique et en Méditerranée une zone à laquelle elle a consacré de nombreux articles critiques publiés en France et en Italie.Dans ce recueil illustré délicatement par Moulay Youssef el Kahfaï l’imagination vagabonde à travers les embruns des saisons et les couleurs de la vie : Les vers de Muriel sont colorés confirme le préfacier Bensalem Himmich. Du bleu du vers de l’Océan ou de la mer à l’ocre et au rose du sable.
 
Chez les humains ce qui compte ce n’est pas la couleur des yeux c’est l’intensité du regard, dit le poète. De même que ce qui anime la mer ce n’est pas l’eau c’est la vague. Muriel Augry a saisi le sens du mouvement dans le mystère de la nature. C’est en des mots de velours qu’elle raconte l’insidieuse tourmente du temps, la sauvage versatilité du genre humain, cette aptitude à dessiner des traces d’éternité.
 
Au sol épars des pétales où perlent des gouttes de rosée 
Les sommets de l’Atlas se mirent dans un bassin opaque
Et narrent des histoires de sultans et de courtisanes
Insouciants les palmiers soulignent le ciel.
 
C’est sans doute au forceps que l’auteure doit arracher à l’infernale sollicitation du quotidien cette part de rêve et d’exil mental qui lui permet des envolées complices. Dans l’Andalousie elle ne s’enlise pas que dans les douceurs languides du bien être. L’ombre de l’ainé García Lorca plane comme un témoin gênant.
 
Dans ses Echos Muriel Augry accélère le rythme. L’Occident pressé se dessine à travers les bruits d’un bistrot ; Atmosphère peut-être parisienne. Cafés enfumés, ballons sur le comptoir Matin de frileuse nostalgie, café crème bouillant.
Aéroport ! vol retardé … Sans doute une fête contrainte où encore une fois le père Noel jouerait les ordures…
 
La fin du recueil est plus saccadée prise d’une crispation soudaine et poivrée après la douceur enivrante des premières pages. Brisure secouée par le vent de l’absence. Cassure aux senteurs acides de douleur déposées sur le sol avec précaution pour ne pas réveiller le front de l’aurore.

Même les angoisses sont dites avec une délicatesse qui effleure l’âme du lecteur invité à célébrer la vie malgré tout.  Les confidences s’égrènent, complice de soleil... Chuchotements dans les méandres des cœurs errants. Bref  Une insoutenable aptitude au bonheur.
 
Voila cela s’appelle Les lendemains turquoises. Un recueil bilingue de Muriel Augry
 
Djilali Bencheikh – Radio Orient-au fil des pages - 24/ 10 /10