Tranches de vies
 
Dans ce petit livre, « Rien ne va plus », édité chez l’Harmattan, il y a comme un air des films du grand connaisseur des tréfonds de l’âme de la bourgeoisie provincial, Claude Chabrol, qui produisit lui-même un polar intitulé aussi « Rien ne va plus », bien après « La femme infidèle », « Juste avant la nuit », « Le beau Serge », « L’Ivresse  du pouvoir », « Que la bête ne meure », « L’œil du malin », qui figure sur la très belle et mystérieuse illustration de couverture du livre dessinée par Aissa Ikken…Autant de titres qui siéraient comme un gant aux contes de Muriel Augry se délectant à travers son regard d’ ornithologue pour nous conter les déroulements de vies et les battements d’ailes des pauvres oiseaux que nous sommes, pleins de vies, de cynisme, de calculs, d’absurde, mais tous à la recherche de ce « je ne sais quoi ».
 
Rien ne va plus ! Mais avant que la roulette du casino ne tourne dans sa course folle dans un jeu où rien ne se joue, avant qu’elle ne s’arrête sur telle ou telle sortie de vie, et qu’ elle n’épuise les délices du poison de la vie, il nous faut admirer la vivacité et la limpidité du style de ces nouvelles où l’art est justement de prendre le réel à contre-pied »selon la jolie formule de Mustapha Kebir Ammi dans la préface de l’ouvrage de « l’espiègle doctoresse Augry ». L’auteure nous met en situation de confiance avec des personnages de quartier que vous pourrez rencontrer tous les jours : Claude comme le Chabrol, mais bien contrit par la dramatique et insupportable histoire qui lui arrive ; Latifa, Kader, Véronique, Giovanni, Nunzia, Mauro…Mais inutile de vous prendre la tête, la romancière n’a la prétention ni d’éduquer ni de prêcher une quelconque morale…seulement celle de donner du plaisir à lire, à aller jusqu’au bout de la nouvelle, car on ne peut lâcher le livre sans aller jusqu’au bout. L’espiègle doctoresse qui vit entre la France, le Maroc et l’Italie joue à merveille de l’art de la « novella », la nouvelle divertissante, truculente, parfois triviale, pleine d’intrigues, de variantes, d’ extraordinaire ordinaire où chacun de nous se retrouve ou retrouve ses voisins de palier.

Farida MOHA
Le MATIN.ma