Muriel Augry, Encres lacérées, encres de Philippe Bouret, Iasi, Cronedit, 2020.

« Elles étaient » / « Elles seront » : deux volets d’un seul diptyque, à la fois poétique et visuel. Mais quand la poésie se voit, quand les encres parlent, la distinction entre les deux arts n’a plus de raison d’être. Ce sont des images qui nous sautent au visage dans les mots de Muriel Augry. Des guerrières en armure, lance au poing, taillant les jours, à califourchon, à l’assaut des désirs vrombissants. Y répondent des compositions abstraites de Philippes Bouret, discrètement sous-titrées « efemmérides » ou « éfemméros »… Des emboitages de formes, d’aspect métallique, aux griffes pointues, acérées, empreints d’une énergie conquérante. Éphémérides ? Oui, si les encres font écho aux « éphémères victoires » de Muriel Augry. Mais femmes, surtout, dans un entrelacement à la fois sensuel et menaçant de tentacules télescopiques. Les encres composent un écho lointain aux textes. Le lecteur y verra, s’il le souhaite, les « chevilles gantées dans des goussets de plomb », des « plumes acérées », le « jour taillé » ou « l’audace au poing » transperçant le bouclier de l’Académie et de la Maison de la Poésie… Mais il pourra aussi, s’il le préfère, projeter sur les textes les suggestions des encres, « l’éfemméride à la méduse » nuancera alors le carcan de l’identité, « l’éfemméride au double » donnera un autre sens aux parchemins portés dans le dos. Telle est la magie de ce mariage des encres.

            Le second volet — « Elles seront » — renonce aux termes violents, aux suggestions guerrières, et recourt à un vocabulaire plus sensuel, l’éventail des passions posé au creux des reins, la flûte aux lèvres, l’archet à la main.

                            Femmes de chair embrasées

                                          Elles iront

tandis que les encres, sans renoncer aux jaillissements télescopiques ni aux fils barbelés, y mêlent des courbes plus douces, seins et fesses ; les éfemméros succèdent alors aux éfemmérides pour se conclure dans une « extase » au sexe grand offert à la page. Appel à la complicité du lecteur, ce petit livre suscitera sans doute bien d’autres lectures, mais il ne pourra laisser indifférent.