Des écailles ? Plutôt des étoiles plein les yeux ! Le voyage prend forme : "Mots/En déroute/Sur l’écran des jours/Mots errants/Au-delà des isthmes/Mots nomades/Narguant les interdits". Et il n’y a pas d’interdits ; cela gicle, éclabousse, avec douceur. Toujours les mots qui s’envolent," À l’angle de ses rêves/Les mots glissent dans la fumée/Et se fragmentent en mosaïques aveuglantes", ouvrant des chemins vers le mystère, l’inconnu.


 

Le recueil de Muriel Augry se divise en cinq parties « Les dits de verre », « De safran et d’outremer », « Sur le tatouage des villes », « Le sablier d’émail » et « Transparences », où le voile se déplie lentement dévoilant, ici et là, des sensations, des voix, des chuchotements aussi, « Discours susurrés aux palabres du silence », avant de s’envoler vers l’ailleurs, « Dans un moment bleu ciel/ Il y eut l’océan/(…) Puis il y eut l’outremer qui broie la dune et se rit/ des équilibres ». C’est son expérience marocaine qui lui a ouvert le vaste océan car, après avoir arpenté l’Italie, c’est le Maroc qui reçoit son inspiration.
 
De ci de là surgissent des visages – plutôt des ébauches - puis des villes, peut-être perdus, « Visions brouillées/ Les repères fondent/ Dans une vasque de moire »…, en tous cas célébrés lorsque « L’arc-en-ciel/Se cambre à l’amble de nos songes », comme un cheval au trot.
 
Essayiste, Muriel Augry a publié Le cosmopolitisme dans les textes courts de Stendhal et Mérimée qui a reçu un prix de l’Académie française (1992), ainsi qu’une édition critique du livre de Louise Colet Les Pays lumineux (2003), intitulé Voyage d’une femme de lettres en Haute Egypte. Elle est aussi nouvelliste mais la poésie est son jardin intime. Elle avait déjà publié aux éditions Marsam, au Maroc, Les lendemains turquoises (2010). Avec Les Écailles du soir, elle creuse son sillon, interrogeant sans cesse notre être au monde, « Si le ciel balayait la terre/Si les dunes creusaient des sillons dans les rizières/J’irai chercher l’eau du volcan », elle ne juge pas, sans cacher les blessures, sans farder la nostalgie, elle « chercherai (t) la grève sans fond/ (…)/Je m’étendrai dans le losange doré des rivages blessés/Et je m’endormirai ». C’est salvateur, c’est savoureux. « Tout comme avant/ Tout comme demain ».
 
Le recueil de Muriel Augry nous mène de mystère en découverte, de l’amble d’un cheval au parfum ambré sur les pas du sensible, du beau, ce par quoi nous sommes des êtres dotés de cœur et c’est avec cela qu’il faut lire ce très beau recueil, c’est Vénus Khoury-Ghata qui nous y invite en signant une jolie préface.