Mémorial de Chartres : présentation
 
par Ruggiero del Ponte
 

Ce drame en dix tableaux fait intervenir cinq personnages (quatre hommes et une femme), sur une durée de 2 h environ, pour sa version complète. Il peut être joué par des acteurs professionnels et des adaptations sont réalisables pour des troupes amateurs ou scolaires, en accord et avec le soutien de l’auteur.

Le décor d’un ancien camp militaire près de Chartres(Le Coudray-Morancez), est réduit au minimum. Le texte est conçu par l’auteur comme une « matrice globale », susceptible de convenir à des publics variés, avec des représentations plus ou moins longues ou documentées ; la formule la plus courte correspond à ¾ h. Ces nouvelles mises en forme résulteront d’une coopération étroite entre auteur et metteur en scène, et bien sûr, acteurs.

L’auteur utilise une forme d’écriture originale, inhabituelle dans la dramaturgie française contemporaine : il privilégie l’expression de témoignages restés confidentiels ou même secrets, ceque découvrira progressivement le spectateur.

Loin du théâtre de complaisance, ce texte donne la priorité à l’émergence des souvenirs et à leurs expressions subjectives par des personnages entrainés malgré eux dans la guerre.

En dépit des caractères affirmés des uns et des autres, il reste peu de place pour les répliques percutantes et les effets de manche spectaculaires : pas d’émotions mimétiques voire « panurgiques » sur commande du type : « Aimez ! Détestez ! Pleurez ! Riez ! », mais toujours : « Applaudissez » !

L’intensité des dialogues est animée par des remises en cause personnelles inégalement partagées au fil de l’action : au spectateur d’y participer, à sa guise, avec sa propre sensibilité. Chaque personnage incarne, non sans humour, un ensemble de réalités historiques et culturelles complexes : celles-ci façonnent des comportements inhérents à diverses époques et à certains milieux. Les chocs brutaux de cultures entre les conceptions occidentales et le mode de vie africain, entre l’ordre totalitaire et la liberté de conscience, entre l’intuition féminine et la discipline militaire, mettent ainsi à jour de vastes zones d’incommunicabilité que le temps et la distance risquent encore d’élargir.

Cette pièce entrecroise des destins individuels, provenant d’horizons éloignés, avec les événements dramatiques de 1940 en France. Les cinq personnages se retrouvent à Chartres, par hasard, un peu plus de vingt ans après la débâcle de juin 1940 : un officier de réserve des Régiments Coloniaux et son épouse, un vétéran des Tirailleurs Sénégalais et deux anciens Allemands de la Wehrmacht, dont un nazi convaincu et un opposant à Hitler. On est au lendemain de la ratification du Traité d’amitié franco-allemande de 1963. Les uns et les autres vont revivre la mort des camarades, les combats aveugles, l’absurdité des prisons, les évasions périlleuses.

Leurs souvenirs concordent rarement et font jaillir, à divers degrés, des regains de haine, d’incompréhension et de violence. Les faits sont inspirés de documents authentiques : archives militaires, discours officiels, rapports d’unités combattantes,…

Le Mémorial de Chartres rappelle un drame méconnu, ou volontairement oublié : les massacres des Tirailleurs Sénégalais par la Wehrmacht (Ardennes, Somme, Lyon, Beauce). Les mêmes événements, vécus à partir d’environnements antagonistes, paraissent aboutir à des rejets définitifs. Pourtant, l’ombre de la Cathédrale de Chartres, le rôle joué par le Séminaire des Barbelés  et  la figure bienveillante de l’Abbé Franz Stock, dont on a inauguré, le 16 juin 1963, la dernière sépulture dans une église proche, les premières actions de résistance de Jean Moulin et la sagesse ancestrale de l’Afrique vont, peu à peu, changer l’état d’esprit des Africains, des Allemands et des Français.

Au-delà du devoir de mémoire, la pièce met en lumière les mécanismes psychologiques qui conduisent à la guerre, ainsi que les systèmes politiques qui les provoquent, les favorisent ou les tolèrent. Le dernier tableau suggère un certain espoir de réconciliation : l’essentiel reste à assumer par les nouvelles générations, à qui il revient d’exercer, liberté personnelle et responsabilité individuelle, grâce à  une lucidité sans faille. L’année 2013, cinquantenaire du Traité de l’Elysée, constituait le pivot historique idéal pour achever et présenter le  « Mémorial de Chartres ».

Toute ressemblance avec des événements à venir ne sauraient être que le fruit du hasard… dans une époque de globalisation culturelle, économique et sociale qui n’a pas tiré les leçons des deux dernières guerres mondiales.

Ruggiero del Ponte
 
                   
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