Je suis née sur les coteaux de la colline du Pausillipe, le « lieu qui calme la douleur ». J’ai grandi dans la douceur du climat, choyée par mes parents, éblouie par le chatoiement du golfe napolitain, bercée par des voix gorgées d’humanité et de soleil. Je n’ai donc aucun penchant pour la noirceur et les tourments de l’esprit.
Très tôt, j’ai aimé la lecture, les gens qui venaient d’ailleurs et les animaux. Des choix bien singuliers, dans la mesure où chez nous, il n’y avait presque pas de livres, aucun étranger et aucun animal.
Mon père et ma mère pensaient que les romans étaient une perte de temps et que seuls les textes scolaires étaient indispensables, car l’école, elle, revêtait pour eux une importance capitale. Quant aux bibliothèques de quartier, elles étaient inexistantes dans le Naples de mon enfance.
A six ans, j’écrivis un poème qui, contre toute attente, effaça de mon esprit la moindre envie de récidive ! Très fière de moi, je le montrai à ma maîtresse qui me traita de tricheuse et me punit durement.
Ma passion pour les langues étrangères est certainement née en écoutant la radio. Je me souviens que je me précipitais pour embrasser l’appareil magique quand il en sortait ces sons si séduisants. Plus tard, dès que j’appris à distinguer les différents idiomes, je n’accordais plus mes baisers qu’aux chansons françaises.
Quant aux animaux, si je rêvais de chevaux presque toutes les nuits, cela ne m’empêchait pas d’adorer aussi les chiens, les chats, les poules, les lapins et tous les autres. Mais ma mère, en bonne napolitaine, était farouchement opposée à la présence d’un compagnon non-humain dans notre foyer. J’en souffrais, même si notre maison était toujours pleine d’amis.
Je suis fidèle et n’ai jamais abandonné mes « premières amours ».
Ainsi, une fois adulte, j’ai choisi de devenir guide conférencière. Un métier qui, sans m’éloigner de mon pays bien aimé, me permettait de parler les quatre langues étrangères que j’avais apprises, de côtoyer d’autres populations, de faire connaître et aimer ma terre. Car « l’enfant terrible » Naples a eu et a toujours autant de mal à quitter la sellette où les médias internationaux s’entêtent à l’attacher.
Les chevaux, eux, dormaient en moi en attendant patiemment leur moment. Naples les avait oubliés et ils l’avaient déserté. 
A vingt-six ans je suis tombée amoureuse d’un jeune Français. Trois ans plus tard je l’épousai et le suivis en région parisienne.
J’avoue que l’enthousiasme pour la nouveauté et pour ce pays que pourtant j’affectionnais, n’a pas tardé à s’estomper. La cause de ce désenchantement n’était pas la vie parisienne mais la terrible nostalgie de Naples, ce mal du pays qui, paraît-il, frappe les Napolitains d’une façon qui frôle la puérilité. Pour tenter d’y remédier, j’ai exercé mille métiers, cherché mille voies, tourné mille fois en rond.
Puis un jour, les chevaux ont resurgi avec toute la fougue dont ils sont capables, bien décidés à m’accaparer. Passion lancinante, ensorcellement, envoûtement, aucun de ces mots ne convient pour définir les sentiments qu’ils provoquent encore et toujours en moi.
Les chevaux - j’entends bien les chevaux et non l’équitation - m’émerveillent, m’attendrissent, m’émeuvent, m’amusent, me réconfortent et me comblent. Ce sont eux qui m’ont poussée à écrire. Ecrire pour pénétrer leur univers, écrire pour les faire connaître et les défendre. Et je suis partie à la découverte de l’éthologie, de la psychologie, de la philosophie de l’esprit, de la neurophysiologie, de l’histoire, de la mythologie, de l’ethnologie, de l’écologie, de la botanique… Car le cheval est un monde... J’ai d’abord écrit des articles pour les journaux spécialisés, puis des nouvelles et des textes pour des ouvrages collectifs et finalement des livres.
Ma carrière d’auteur a débuté véritablement en 2001, avec « Les Indiens d’Amérique et le Cheval », un essai qui m’avait été commandé et qui m’a demandé plus de deux ans de travail acharné. Personne ne s’était jamais penché sérieusement sur ce sujet. Et pour cause ! Même aux Etats-Unis les ouvrages complets sur cette facette de la culture amérindienne sont rarissimes. Pourtant, l’arrivée du cheval dans le nouveau monde a révolutionné cette civilisation. Et je voulais comprendre.
La France a reconnu mes efforts. Le Monde, la Provence, France Inter, ainsi que de nombreux autres quotidiens et magazines ont salué ce premier livre. Le nec plus ultra a été pour moi de me voir citée par Yves Berger dans la bibliographie de son « Dictionnaire Amoureux de l’Amérique ».
En 2002, une occasion rare m’était donnée : allier les deux grandes passions de ma vie, Naples et mes animaux fétiches. La glorieuse race des chevaux napolitains, considérée comme disparue à jamais, venait d’être miraculeusement sauvée par un éleveur de Sorrente, un fou d’histoire et de chevaux.
« La Fabuleuse Histoire du Cheval Napolitain » voyait ainsi le jour et paraissait chez Zulma en 2003. De nouveau, le Monde y consacrait un petit article, suivi par Valeurs Actuelles et, bien sûr, les revues spécialisées.
C’est aussi l’écriture de ce livre qui m’a amenée à mieux comprendre l’attrait irrésistible que les chevaux exercent sur moi : ils ont des points communs avec mon pays. Naples et les chevaux fascinent par leur beauté, une beauté qui est leur perte. Car leur soumission n’est qu’illusion et l’orgueil blessé des dominateurs est pernicieux, ravageur. Naples jadis véritable corne d’abondance et le cheval, symbole de majesté et d’opulence, soulèvent les convoitises, attisent la soif de richesse et de pouvoir. Impénétrables et irréductibles, ce pays et cet animal appellent la colère des arrogants. Naples et le cheval n’abandonnent leurs défenses que devant l’humilité et la bienveillance.
Ainsi, le cheval et Naples, ensevelis l’un et l’autre sous une avalanche de préjugés et de croyances, noyés dans des océans d’écrits qui les magnifient sans forcément les comprendre -, ne cesseront de m’intriguer, de m’inspirer tant que l’envie d’écrire vivra en moi.