Le culte du cheval, de Virgile à Saint Antoine Abbé.


Le cheval noir, emblème du quartier Nil. Le cheval blanc était l’emblème du quartier de la Porte Capouane. Les deux chevaux sont l’allégorie du jour et de la nuit, des ténèbres et de la lumière.
 
Le cheval en liberté, sans « frein », est un des symboles les plus prégnants, les plus persistants de la mythologie napolitaine. Les napolitains se reconnaissaient en ce cheval de bronze sans frein que Virgile aurait forgé. A deux reprises les conquérants de la ville, Conrad de Souabe et puis Charles d’Anjou, font mettre un mors à ce cheval pour sceller leur conquête. Une façon aussi de signifier aux napolitains qu’il fallait abandonner les anciens cultes pour se rendre au christianisme.


Estampe de 1745 représentant les deux anciennes cathédrales de Naples (réunies par la suite en une seule) et la statue colossale du cheval miraculeux de Virgile
 
Pendant des siècles, les Napolitains ont amené leurs animaux malades, notamment les chevaux - et même ceux en bonne santé pour les « immuniser » -, jusqu’à la statue miraculeuse. Décorés de colliers de fleurs et de petits pains en couronne, ces derniers devaient faire trois fois le tour du monument. Ce culte dure jusqu’en 1322 année de la destruction de la statue, un acte en accord avec la politique de cette époque-là qui tient à effacer toute trace des rites préchrétiens.
La légende veut qu’un cardinal, agacé par ce cheval plus populaire que saint Janvier, en fasse fondre le bronze pour fabriquer les cloches de la cathédrale. Une autre légende accuse les maréchaux ferrants jaloux des pouvoirs du cheval, cause de leur manque à gagner. Quoiqu’il en soit, la statue datant sans doute du IIIe s. av. J. C., a réellement existé. Sa tête, trop dure pour être fondue, est conservée dans le musée archéologique de Naples.
Dessin de la tête aujourd’hui exposée dans le Musée Archéologique National de Naples
 
Après la destruction de la statue, le culte se déplace dans l’église de St Eloi, protecteur des maréchaux-ferrants, un saint importé par les Angevins. Le 1er décembre on y amenait les chevaux déferrés et on en suspendait les fers aux portes. Peu à peu, Saint Eloi cède sa place à St Antoine Abbé dont l’église est érigée dans le quartier éponyme par la reine Jeanne d’Anjou. Ce saint, dont l’animal sacré est le cochon, a le pouvoir de guérir tous les animaux. Alors, le 17 janvier, jour de la fête du saint, on y amène les animaux pour les faire bénir. Ils sont décorés des mêmes atours qu’auparavant et ils font trois fois le tour de l’église… Ce rite perdurera jusque dans les aux années quatre-vingt.
Jadis les pains en couronne portés autour de l’encolure symbolisaient le pain qu’Octave Auguste, raconte Donat, donne à Virgile pour avoir guéri plusieurs de ses chevaux tombés malades. A l’époque chrétienne, ces pains se justifient par le fait que Saint Antoine est aussi le protecteur des boulangers…
La bénédiction du cheval exorcise également les dangers du voyage. Une fois le cheval disparu en tant que moyen de transport, on continue ainsi à faire bénir toute sorte de véhicules. Les Napolitains les plus attachés aux traditions le font toujours.