Les Symboles
Le soulier et le pied.
Le soulier peut paraître un bien étrange symbole, mais son explication n’est pas aussi obscure que l’on pourrait le croire.
Le sens premier est rattaché au mythe de Perséphone/Proserpine et à ses éternels retours dans le monde des vivants. Avant de repartir dans son royaume souterrain, elle « perd » une chaussure. Allégoriquement, la déesse laisse sa graine, sa promesse de fécondité lors de son prochain passage.
De la fécondité de la terre à la fertilité féminine, il n’y a qu’un pas. Ainsi, le soulier perdu, - comme celui de la Madone que l’on trouve sur la plage, comme celui de Cendrillon, héroïne du conte très vraisemblablement inventé en Campanie[1] - symbolise la perte de la virginité, une perte qui est une mort, mais une mort qui permet de donner la vie. Le soulier retrouvé et rechaussé est le signe de la virginité reconnue à la femme, même après avoir enfanté. Ainsi, en est-il de la Terre, de la Madone et de toutes les Mères dans la psychologie napolitaine : mère et vierge à la fois.
En souvenir de ce soulier perdu par la Madone et retrouvé par un pêcheur sur la plage, on fabrique des talismans en forme de chausson (scarpunciello en napolitain) destinés aux femmes parturientes pour les protéger des dangers de l’accouchement.

   

A gauche, le soulier symbolique
A droite, ex-voto en forme de pied pour la déesse Méphitis, trouvé dans la Vallée d’Amsanto, proche de Montevergine

 

Le soulier est aussi associé au pied, et c’est à « pied » que l’on parcourt le chemin initiatique dans la grotte magique de Virgile, la grotte appelée, Piedigrotta (Pieds de Grotte), près de laquelle il y a la tombe du poète divin. Or, ce monument, observé d’un certain angle, a la forme d’un pied… Et ces pieds de la grotte sont les pieds de la sirène, dont l’immense corps allongé occupe toute la ville. Ainsi à l’opposé de Piedigrotta se trouve le quartier de Caponapoli (Tête de Naples), alors que le Corpo di Napoli (corps de Naples) est en plein cœur de la cité antique.

   

De g. à d. les pieds, le corps et la tête de Naples.
o    Les pieds : Tombeau de Virgile, à remarquer dont la forme, vue de cet angle, rappelle une chaussure. (R. De Simone)
o    Le corps : quartier dit “Corpo di Napoli” situé au centre de la ville gréco-romaine. La statue d’époque romaine représente le Nil et se trouvait dans le quartier égyptien. Après le départ des Alexandrins, la sculpture se perdit. Retrouvée acéphale au XVIe s., elle fut appelée par le peuple “corps de Naples”. La tête date de 1657.
o    La tête : quartier dit “Caponapoli” situé à l’est de la ville. Le buste d’époque grecque représenterait, d’après les auteurs anciens, la sirène Parthénope.
 
Les sept sœurs
Autre mythe lié à Cendrillon et à la Madone, les « sept sœurs ». Les Madones vénérées en Campanie sont sept (chacune portant des noms différents selon la province[2]). L’une d’entre elles est noire, noire et laide, laide comme Cendrillon qui, dans les différentes versions campaniennes, a six sœurs. Mais, il s’avère que la Madone noire et Cendrillon sont les plus belles des sept sœurs.
Le sept, nombre magique par excellence, revêt ici un sens propre à la culture campanienne : les six sœurs belles correspondent aux six mois beaux et féconds (d’avril à septembre), alors que la septième, la laide, englobe les six mois de « mort » de la nature. Cela explique le calendrier des fêtes consacrées aux Madones Campaniennes. Ces célébrations débutent à Pâques et se terminent en septembre, la dernière étant celle de la Vierge Noire de Montevergine.
Les sept sœurs renferment également un sens anthropomorphe, elles figurent les sept parties d’un corps humain dont les six « belles » sont : la tête, les bras, les jambes et le tronc. La septième, la laide, est semblable à une caverne noire, cavité profonde et angoissante, qui finalement est la plus belle parce qu’elle engendre la vie.

Dans la région de Naples le culte de la Madone Noire[3] est le plus prégnant et le plus populaire. Celui-ci puise probablement ses racines dans le culte de Diane d’Ephèse, une Diane noire d’une grande beauté.

Diane éphésienne, (Naples Musée Archéologique). A noter que les protubérances que l’on croyait des seins, symboles de la fécondité, représenteraient, d’après les dernières découvertes, des testicules de taureau, animal sacrifié à la déesse.
 
Les couplets suivants, tirés d’un chant issu de la tradition orale et entonné lors de la fête de la Madone noire de Montevergine, prouvent que les « sept sœurs » sont toujours aussi présentes dans l’imaginaire populaire.
 
- Alors, elles sont sept les sœurs ?
- Oui... Sept sœurs.
- Six belles et une laide.
- Six belles et une... Une qu'on dit laide,
Pourtant c'est elle la plus belle.
- La plus laide est la plus belle !
- c'est la Madone de Montevergine.

Les sept Madones, de g à d. en partant du haut: la Madone des Poules, de l’Avocate, des Carmes, de l’Arc, de Piedigrotta, la Madone Noire de Montevergine e la Madone Gitane ou Madone des Routes.
 
Chanson qui décrit les qualités des six sœurs belles.

L’œuf
Signe de la vie par excellence, l’œuf, à la forme parfaite, est une représentation de l’univers : il contient une partie jaune comme le soleil et une blanche comme la lune, deux astres qui personnifient respectivement l’homme et la femme. De la Russie au Mexique des Incas, de l’extrême Orient à l’Afrique, l’œuf est toujours chargé de sens. Il est « le centre » même et concentre en lui tous les pouvoirs. Cela explique le fait qu’on suspend une cage contenant un œuf dans les souterrains du château qui se trouve au centre de la baie de Naples.
 

  

A g., le Christ dans l’œuf cosmique (R. De Simone). A d., eprésentation du mandala cosmique par M. Carosi (repris par R. De Simone)
 

L’homosexuel
Il n’enfante pas et donc, il est « vierge », vierge comme Virgile, l’homme « virginella ». L’homosexuel est la réunification des deux sexes et, à l’instar de l’œuf et du Y pythagorique, il incarne l’univers masculin et féminin. C’est la raison pour laquelle l’homosexuel, à Naples, est de bon augure et il intervient même dans certaines cérémonies religieuses.

Tarentelle des homosexuels

 



[1] Le conte transcrit pour la première fois par Giambattista Basile dans son « Pentameron » au XVIIe s., existait déjà dans la tradition orale locale.
[2] Chaque région en Italie est divisée en provinces, équivalent des départements.
[3] La Vierge Noire est présente dans nombre d’autres pays, y compris en France ( Chartres, Rocamadour, Puy en Velay).